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la vérité

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 la vérité

édition originale 30-03-2002
actualisée le 13-12-2008

Notion

Même si nous n'en sommes pas toujours bien conscients, notre emploi du mot vérité, en français, manque sérieusement d'unité. On dit par exemple qu'un énoncé est vrai, dans la mesure où il est adéquat à ce qu'il énonce, qu'une histoire est vraie dans la mesure où elle relate un fait qui s'est réellement produit, ou encore qu'un raisonnement est vrai, s'il est valide sur le plan logique. Mais on dit aussi qu'un tableau ou un billet de banque est vrai (= qu'il est authentique), qu'une personne est vraie (= qu'elle est sincère, qu'elle ne dissimule pas ses sentiments), et, de même, qu'une joie est vraie (si elle n'est pas feinte)... Comment s'y retrouver ?

En un sens, nous confondons la vérité avec la réalité. Il en est bien ainsi, en effet, lorsque nous évoquons la vérité des choses : ainsi, cette bague en or véritable est réellement en or. Pourtant, si nous étions plus rigoureux, nous ne devrions pas commettre une telle confusion : un faux VerMeer, en effet, est tout aussi réel qu'un VerMeer authentique. Rectifions donc : lorsque nous disons que ce tableau est un faux, nous voulons dire qu'il n'a pas été peint par VerMeer, comme on le croit. Car il faut bien qu'on le croie, ou du moins que quelqu'un le croie : si je possède une reproduction du grand maître, je sais bien que ce n'est pas un "vrai", mais je ne dirai pas non plus que c'est un faux. Un faux tableau est un tableau qu'on a tenté de faire passer pour un original, non une simple copie. D'ailleurs, de nombreux faux en peinture ne sont pas du tout des copies : le faussaire a copié le style, non le tableau - que l'on sait localiser, dans un musée ou dans la collection d'un riche particulier. Quoi qu'il en soit, à proprement parler, ce n'est pas le tableau qui est faux - ou vrai, c'est ce qu'on en dit, c'est ce que l'on pense à propos de son authenticité.

Nous devons donc faire la critique de nos dénominations : une chose est réelle quand elle existe - qu'on le sache ou non ; la vérité, en revanche, n'est pas "dans les choses", du côté de l'objet, et s'il n'y avait personne, si aucun homme ni aucun autre être pensant n'existait dans le monde, il n'y aurait ni vérité ni fausseté : personne ne se tromperait sur leur compte et personne ne saurait dire non plus quoi que ce soit de vrai les concernant. La vérité est donc une propriété de nos pensées ou de nos paroles. En d'autres termes, la vérité ne peut advenir sans sujet.

Soit, mais devons-nous en conclure que la vérité est subjective ? Certes, ce que j'ai dit, je l'ai réellement dit, mais s'ensuit-il que ce que j'ai dit était vrai ? Certains le prétendent. Ainsi, selon Protagoras, le sophiste : « l'homme est la mesure de toute chose ». Telle substance, qui paraît douce à l'homme bien portant, paraît amère au malade. Cette formule rejoint le bon vieux sens commun, qui affirme, sans trop s'inquiéter ni des principes ni des conséquences, que « tout est relatif ». Ainsi, la vérité objective n'existerait pas : seules existeraient - au pluriel - des vérités subjectives, comme autant de points de vue tous aussi "vrais", c'est-à-dire "valables" les uns que les autres.

On peut toutefois remarquer que les tenants de ce relativisme généralisé sont embarrassés lorsqu'il s'agit de hiérarchiser toutes ces "vérités", puisqu'ils se sentent parfois obligés de parler, pour les pensées qu'ils pressentent désigner correctement leur objet, de "vérités vraies"... comme s'il pouvait en exister de fausses ! N'est-ce pas le signe qu'ils ont une idée vraie de la vérité, mais qu'ils s'expriment mal ?

Qu'est-ce donc qui mérite d'être qualifié de vrai ? Pas la réalité toute seule avons-nous dit, mais pas non plus la pensée toute seule, puisqu'une pensée peut être fausse, et peut même concerner des êtres purement fictifs. Pour Aristote, la qualification "vrai" ne peut être attribuée à un jugement que lorsqu'en lui coïncident "l'être" et "le discours", l'ontologique et le logique. Ainsi, la catégorie mentale / discursive de cause peut-elle dire la vérité si, en effet, les phénomènes ont des causes. Saint-Thomas d'Aquin, au XIIIe siècle, formulera cette idée plus clairement encore : la vérité est adequatio intellectus rei, « adéquation de l'intellect à la chose ». La vérité n'est donc ni dans la chose, ni dans l'esprit qui la conçoit, bien qu'elle doive impliquer et la chose et l'esprit : la vérité est donc à situer dans une rencontre, dans l'accord entre le sujet et l'objet. Le sujet est dans le vrai si ce qu'il se représente de l'objet correspond bien à la réalité de l'objet.

Etymologie Vérité est directement calqué sur le latin veritas, de même sens que le français, avec les mêmes ambiguïtés... Le vocable latin est apparenté à l'indoeuropéen wer-, à l'origine aussi de l'allemand wahr ("vrai" => Wahrheit, "vérité"). Le mot grec est fort différent : aletheia, littéralement "dévoilement".

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coll. ABCDaire, Editions M-EDITER, 2005 - format
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en compagnie de Yvon QUINIOU
Source : Site Philosophie de l'Académie de Nantes
URL : http://www.ac-nantes.fr/peda/disc/philo

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