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L'unanimité est-elle critère de vérité ?...
09/12/2005

De Lise le 09/12/05 : "Bonjour ! Je suis en terminale et je dois réfléchir sur le sujet suivant : "L'unanimité est-elle critère de vérité ?" sachant que mon cours jusqu'à aujourd'hui ne porte que sur les savoirs et la philosophie. J'ai bien quelques références mais je ne peux pas pour l'instant me baser dessus. J'ai fait pas mal de recherches, mais je bloque sur le plan : je ne sais pas exactement comment lier toutes mes informations entre elles. J'ai pensé :

Définition des termes
(vérité unanimité, critère ; les différentes formes de vérité)
En quoi la vérité est différente de l'opinion
Puisque la vérité est différente de l'opinion, l'unanimité n'est pas un critère de vérité ; relativisation de cette thèse

Qu'en pensez vous? J'ai peur de ne pas assez coller au sujet dans ma 2e partie... Ce serait gentil (si vous avez le temps) de me répondre avant lundi ! Merci beaucoup."

=> 10/12/2005 : Bonjour Lise... Je ne vous ai pas oubliée (je suis juste un peu bousculé - comme d'habitude). Concernant votre proposition de plan, il n'est pas très facile d'en juger, car vous ne détaillez pas beaucoup, mais il me semble que votre partie I est à remplacer : en effet, tout sujet de dissertation invite à définir "les termes", mais ce travail de définition ne peut pas être "réglé" dans une seule partie. On doit déjà s'aider, pour formuler le problème, donc dès l'introduction, d'une esquisse de définition - mine de rien, bien sûr, car une introduction qui définit les mots les uns après les autres, sans liens logiques, n'introduit pas le sujet, c'est-à-dire la question dans son ensemble. Ceci vous est expliqué dans la section Démarches de Philia. Ensuite, le corps du devoir (= le développement) doit permettre un progrès graduel de la pensée (c'est le "plan"), et c'est au cours de ce progrès que les définitions (pour vous : "vérité" et "unanimité") doivent se préciser, et de mieux en mieux en avançant de la partie I à la partie III.

Deuxième règle à respecter pour produire une réflexion solide : il faut envisager plusieurs thèses. Et, là aussi, je vous conseille de commencer dès l'introduction, - un problème pouvant toujours être formulé comme une alternative embarrassante mettant aux prises deux thèses contradictoires... Or, dans votre plan, on ne voit pas bien que vous procédiez ainsi : vous semblez plutôt - si je comprends bien - soutenir une seule thèse (à savoir, que l'unanimité n'est pas un critère de vérité).

Enfin, troisième règle à rappeler : il faut être logique. Or, à vous lire, on ne saisit pas bien la logique de votre III ("l'unanimité n'est pas un critère de vérité puisque la vérité est différente de l'opinion") : vous avez raison de dire que la vérité est d'un autre ordre que l'opinion (...encore qu'une opinion puisse, en un sens, être vraie... voyez chez Platon). Mais comment allez-vous passer de cette opposition (<vérité> / <opinion>) à l'idée que l'unanimité n'est pas critère de vérité ?... Par exemple, aujourd'hui, tout le monde admet le mouvement terrestre (double, en fait : rotation + révolution), exactement comme au Moyen-Age, tout le monde admettait la représentation géocentrique du monde. Donc, comme on dit : un partout ! De même, il arrive qu'une opinion soit très minoritaire, et... même chose pour la vérité (il suffit de penser à Galilée et Képler en leur temps). Un partout, là aussi !

Donc juste quelques pistes pour vous dépanner : l'unanimité est bien un accord - l'accord des esprits (sur le faux comme sur le vrai, sur des élucubrations de la pensée comme sur les connaissances scientifiques les mieux établies). Mais la vérité est aussi un accord - l'accord de l'esprit (exactement = de la connaissance) avec la chose (= l'objet de la connaissance). Cependant, et il ne doit pas vous être bien difficile de l'établir, "tout le monde peut se tromper" - tout le monde, c'est-à-dire tous les esprits - à une même époque : l'unanimité des esprits ne peut donc pas être tenue pour un critère fiable de la vérité. Ceci dit, puisqu'on vient de l'évoquer, revenons à Galilée : nous savons qu'il provoque son procès. Il veut mettre ses idées sur la place publique. Il veut "en découdre", mais il n'espère probablement pas gagner. Le Saint Siège n'est pas prêt de céder sur cette question : le pape veut bien admettre qu'un savant fasse l'hypothèse du mouvement de la terre, mais il ne peut admettre que cette hypothèse (pratique pour les calculs) soit vraie. Galilée veut donc faire à ses idées une grosse publicité ! Pourquoi donc ? Parce qu'il veut partager ce qu'il sait. Il veut qu'on sache ce qu'il pense, lui, l'astronome du prince. Et puisqu'à l'époque il est déjà très connu, il sait ce qu'il fait. Il sait qu'on en parlera, et que la vérité, même refusée au terme du procès, fera son chemin. Or, pensez-y, Galilée n'est sans doute pas un cas particulier : lorsque nous découvrons la vérité, nous éprouvons un certain plaisir intellectuel, mais nous ne sommes pas parfaitement satisfaits pour autant : la vérité doit être reconnue, et si possible par tous. La vérité n'est pas d'abord un fait social - comme l'unanimité - MAIS elle ne peut pas, pour autant, rester privée. Donc : l'unanimité n'est donc pas critère de vérité, MAIS... Je ne vais tout de même pas tout vous dire ! Et bien sûr, finalement, vous devrez aussi tâcher d'expliquer le pourquoi de cette exigence d'un accord des esprits : vous allez bien y arriver.

Non ? Bon, alors juste quelques mots - pas plus, sinon votre professeur risque de me gronder (et il aura alors raison) : on adopte une opinion et on reconnaît la vérité ; la raison (concept clé !) : unanimité et universalité.

...Enigmatique, non ?

Bon courage pour la suite de votre réflexion. Donnez de vos nouvelles, et d'ici là recevez mes...

-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 086

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