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édition originale 16-03-2003
actualisée le 12-05-2008

Les préjugés ont-ils une influence néfaste ?...
13/10/2004

De Monika le 13/10 : "J'ai ma première dissertation (ou plutôt "argumentation construite") de philosophie à faire. Le sujet est "les préjugés ont-ils une influence néfaste ?" Merci de la faire à ma place... Je plaisante :-)
J'ai pas mal d'idées pour dire que OUI les préjugés ont une influence néfaste... Mais pour dire que NON, je ne vois pas. J'ai seulement trouvé un texte de Voltaire où il dit en substance que certains préjugés sont la vertu même... ça m'inspire un petit peu... mais pourriez-vous svp me mettre sur la piste ? Je vous remercie bcp bcp d'avance."

=> 17/10/04 :

Bonjour Monika,

Ne préjugez pas de ma réponse... Je ne vais pas, bien entendu, réfléchir à votre place ;-)

Mais vous pourriez vous inspirer déjà des indications données sur les sujets voisins évoqués dans le courrier de Philia, notamment celui-ci.

On entrevoit bien en effet le danger des préjugés : puisqu'ils procèdent sans examen préalable, ils conduisent souvent à l'erreur (voyez Descartes, qui utilise le mot prévention pour évoquer le préjugé) et aux passions les plus dévastatrices. Pourtant, Voltaire, pour qui le préjugé est "une opinion sans jugement" estime qu'il existe "des préjugés universels, nécessaires" qui inclinent le peuple à bien se conduire. Les gens ordinaires, en effet, ne sont pas philosophes. L'instruction est une chose précieuse mais difficile et assez rare. Pourtant, les hommes les moins instruits, ceux qui n'ont ni le goût ni la chance d'avoir le temps de procéder à de longues et difficiles analyses doivent, comme les savants, se respecter mutuellement, ne pas mentir pour tromper leurs semblables, être honnêtes, obéir aux lois de leur pays, etc. Il faut donc qu'ils agissent bien sans nécessairement juger bien et il est par conséquent utile d'inculquer au peuple, à tous les peuples, les préjugés qui les conduiront à de telles conduites. Par exemple, il n'est pas nuisible de reconnaître "un Dieu rémunérateur et vengeur". Certains préjugés sont donc moralement utiles, même si, bien sûr, ce ne sont que des préjugés, et nullement des jugements résultant d'analyses rationnelles rigoureuses.

Descartes, de son côté, avait reconnu (dans la 3e partie du Discours de la Méthode) que les exigences rationnelles ne pouvaient concerner, dans un premier temps du moins, que les connaissances d'ordre théorique (= le savoir scientifique). En effet, dans ce domaine, il n'y a pas vraiment d'urgence : les hommes ont survécu bien des millénaires sans connaître la loi de la chute des corps ! En revanche, sur le plan moral, il n'en est pas du tout de même : nous ne pouvons pas attendre de tout savoir et de tout comprendre pour bien agir. Le doute a une utilité incontestable quand il s'agit des idées et des connaissances, mais pas quand il s'agit des actes : "il me faut agir, écrit Descartes, lors même que j'ai suspendu mon jugement." Cette nécessité de l'action nous invite donc immanquablement à adopter des attitudes pratiques sans plus attendre, et de même à prendre des décisions qui ne peuvent souffrir aucun délai. Est-ce bien ? Difficile à dire avec une absolue certitude. Pourtant, il faut décider, et sans attendre. Tel est le sens de la fameuse "morale par provision" prônée par l'auteur. Un exemple : "suivre les lois et les coutumes de mon pays" (première maxime de la "morale provisoire"). Ce n'est peut-être pas toujours ce qu'il y a de mieux à faire, mais c'est assurément une maxime plus sage, autant qu'on sache - dans l'état actuel de nos connaissances, que toute autre. Pourtant, c'est bien une sorte de préjugé. Pour Descartes donc, même s'ils ont conscience des limites de leurs choix éthiques, les philosophes doivent adopter des préjugés moraux.

Vous pouvez cependant estimer, avec Kant, qu'une connaissance exacte de nos devoirs n'est pas aussi inaccessible que ce que prétend Descartes. Comment, en effet, pourrait-on vraiment, comme dit Kant, "sortir de l'état de minorité", si on est incapable de faire soi-même toute la lumière sur ce qui est néfaste et sur ce qui est non seulement utile, mais même bon ? Les Lumières, justement, "c'est la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable [...] Aies le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières." (Kant, in Qu'est-ce que les Lumières ?). selon Kant en effet, le préjugé a beau être "utile", il ne peut nous dispenser de chercher le bien, et, pour cette raison, que la Raison exige, doit être dépassé.

Et il va bien falloir, chère Monika, que vous vous y "colliez", vous aussi, en vous servant de votre propre entendement...

Bon courage. Et toutes mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 041

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