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 Ressources philosophiques | Dossier
 le désir

édition originale 30-03-2002
actualisée le 13-12-2008

Notion

Le désir est la tendance consciente vers un objet (connu, ou seulement imaginé) dont la possession ou l'usage est représenté comme source de satisfaction.

[ Objet est ici employé au sens large : l'objet du désir peut être une personne. La psychanalyse parle ainsi de "choix d'objet" à propos de notre choix amoureux / sexuel. ]

Etymologie Le mot désir a une origine proprement... sidérante : en effet, désir vient du verbe latin desiderare, lui-même formé à partir de sidus, sideris, qui désigne l'astre − étoile ou planète, ou la constellation (d'étoiles). Au sens littéral, de-siderare signifie "cesser de contempler (l'étoile, l'astre)" : faut-il y voir l'idée que le désir ne se contente pas de "contempler", mais cherche à "consommer" son objet ? Toujours est-il que la langue latine considère ( <= encore un mot de la même famille !) que le desiderium, avant de signifier le désir, renvoie d'abord au constat d'un manque, d'une absence ou d'une perte. Les auteurs latins emploie ainsi communément desiderare dans le sens de regretter, déplorer la perte − de quelqu'un (un soldat par exemple) ou de quelque chose qui nous appartient (par exemple un navire). L'idée primitive est donc négative : celui qui désire est en quelque sorte "en manque" ; quelque chose ou quelqu'un lui fait défaut. Le sens positif (= "souhaiter", "chercher à obtenir") est plus tardif, et c'est celui que l'on connaît en français... même s'il est vrai que l'expression populaire demander la lune (dans le sens de désirer l'impossible) peut nous rappeler encore la métaphore dont on était parti !

Distinctions Le désir n'est pas l'instinct, et paraît irréductible au besoin comme à la volonté :

Désir - Instinct
  1. On peut être tenté de réduire le désir à l'instinct : le désir serait alors la manifestation consciente de l'instinct dans un individu donné. Entre l'instinct (propre à l'espèce et inconscient), et le désir (individuel et conscient), il n'y aurait ainsi aucune véritable rupture : selon cette thèse, le désir amoureux (spécifiquement humain) ne serait que l'expression individuelle de l'instinct sexuel...
  2. Mais le désir présente une diversité irréductible à l'instinct, uniforme au sein d'une même espèce. D'autre part, l'instinct est un dispositif naturel inné, alors que nos désirs sont loins d'être "naturels" et sont d'ailleurs modelés par notre culture. Enfin, l'instinct a toujours une visée adaptative (= la conservation et la perpétuation de la vie), ce qui est loin d'être le cas de tous nos désirs, dans la mesure où ils peuvent se révéler inutiles, voire contraires aux exigences adaptatives du vivant... En bref, le désir paraît s'écarter nettement de la voie tracée par dame Nature !

Désir - Besoin
  1. Le besoin désigne un état, ressenti ou non, conscient ou non. Le désir de manger peut certes s'étayer sur la sensation née du besoin de manger (= la faim). Mais le désir (de s'abreuver) ne doit pas être confondu avec la sensation (de soif), et encore moins avec le besoin (d'eau) du corps.
  2. Il est vrai que le désir de boire quand on a soif semble légitimer l'association besoin / désir : je désire ce dont j'ai besoin (= de l'eau)... mais :
    1. Jusqu'à un certain point seulement, car je peux aussi désirer ce dont je n'ai nul besoin réel : le besoin est en quelque sorte "réaliste", tandis que le désir implique une vie imaginaire. Le désir, d'ailleurs, se renouvelle et prend des figures sans cesse changeantes − tandis que le besoin tend à se répéter à l'identique : contrairement au besoin, le désir semble en effet insatiable.
    2. Les besoins nés de la vie sociale ne font pas exception à la règle. Certes, il n'est pas "naturel" d'avoir besoin d'une voiture pour se rendre sur son lieu de travail, mais un tel besoin, comme le besoin de s'abreuver, reste la manifestation d'une nécessité. Tel n'est pas toujours, loin de là, le cas du désir.

Désir - Volonté
  1. La volonté désigne une faculté (= la faculté de vouloir), qui n'est peut-être pas étrangère au désir...
  2. Pourtant, par eux-mêmes, nos désirs ne sont pas décidés, c'est-à-dire voulus − ce qui est bien remarquable si l'on observe leur naissance : nous ne décidons pas de tomber amoureux. Vouloir, au contraire, c'est se déterminer à agir par soi-même, par une décision qui aura été mûrement réfléchie : la volonté est classiquement définie comme une faculté rationnelle. Je puis ainsi désirer ce que je ne veux pas (fumer une cigarette par exemple, alors que je veux arrêter de fumer). Inversement, il se peut que je veuille ce que je ne désire pas vraiment (faire des études difficiles par exemple, alors que je ne désire pas la difficulté).

En résumé, un philosophe rationaliste dirait sans doute que le désir est déjà l'oeuvre de l'esprit (contrairement aux simples besoins objectifs du corps − ou de la vie sociale), mais pas encore de la raison (comme pouvoir de délibérer en vue de décider).

Problèmes Malgré ces définitions et ces distinctions, on peut montrer que le désir reste une énigme. Mais cette énigme doit pourtant être éclaircie dans la mesure où l'on estime que le désir donne sens à l'existence, en même temps qu'il peut "inquiéter" le philosophe en quête de sagesse. En effet...

Est-il si simple de distinguer besoin et désir ? Ai-je réellement besoin d'une voiture ou bien en ai-je le désir ? Suffit-il de dire que le désir commence où s'arrête le besoin ?

De même, est-il si simple de distinguer désir et volonté ? N'y a-t-il pas du désir au coeur même du choix rationnel, à l'insu du sujet qui croit vouloir ? Inversement, le désir n'est-il pas au moins aussi calculateur que la raison que l'on dit être à l'oeuvre dans le choix volontaire ?

Car que désire au fond le désir ? L'objet désiré ? Mais l'objet est-il désiré pour lui-même ? Est-ce la satisfaction ? Mais le désir satisfait s'éteint : se peut-il donc que le désir cherche à se suicider ? Ou bien : toute satisfaction n'a-t-elle pas un goût amer ? ...Souvenons-nous de l'origine du mot : le désir comme regret, passion "triste"... Mais le désir renaît toujours de ses cendres : faut-il comprendre que le désir désire à la fois sa suppression et se désire lui-même ?

Toujours insatisfait, le désir serait-il alors ce creux impossible à combler, signe de la finitude et donc marque de la misère humaine ? Ne faut-il pas voir en lui, au contraire, une puissance créatrice qui nous projette au-devant de nous-mêmes ?

Le désir n'est-il pas, par définition pour ainsi dire, déraisonnable ? Mais est-ce si sûr ? Et si tel est bien le cas, que faire de nos désirs ? Le sage doit-il "faire avec" ? Les laisser "s'exprimer", et même les cultiver ? Ne doit-il pas plutôt les surmonter, les "civiliser", et même les modérer ? Mais comment ? Et jusqu'à quel point ? Nos désirs sont-ils "bons" ou "mauvais" ?

Repères

1.

Désir et négation : le manque, la finitude, l'illusion

Comme le suggère l'étymologie, ce que la conscience désirante vise lui apparaît toujours comme manque, car on ne désire que ce qu'on ne ne possède pas. Tel pourrait être aussi le résumé de l'opinion commune, reprise par PLATON en particulier dans le Banquet. Le désir, en ce sens, est lié à l'imagination, entendue comme faculté de représentation de l'absence.

PLATON ajoute cependant à cette thèse une dimension métaphysique et anthropologique importante : si le désir appartient à l'essence de l'homme, alors il est aussi le signe patent de l'incomplétude, et donc de la finitude humaine, − ce qu'il montre en évoquant le mythe de l'androgyne, être humain primordial à la fois homme (andro-) et femme (-gyne). Voir le discours d'Aristophane dans le Banquet , 189d-191b. Ces êtres, qui ignoraient le désir amoureux, du moins le désir de l'autre, étaient aussi orgueilleux que vigoureux, et après qu'ils eurent tenté d'escalader le ciel pour s'en prendre aux dieux, Zeus trouva un moyen de mettre fin à leur impudence sans les anéantir en les sectionnant en deux parts. De cette manière, l'humanité primitive fut multipliée en même temps qu'affaiblie, et depuis ce temps les deux moitiés se cherchent. Telle est en quelques mots l'origine de l'amour. Ce mythe fait donc du désir une tentative de retour à une unité primitive perdue. Ainsi, désirer ce serait toujours aller à la recherche d'un temps perdu, par le moyen d'une fusion avec l'objet : le désir manifeste une déchirure. Mais cette recherche en même temps est tragique puisque que cette perte est irrémédiable : le désir, pour cette raison, ne peut jamais être satisfait ; jamais la "fusion" ne sera complète et ne pourra effacer la mutilation primordiale. Mais en un sens le mythe explique aussi l'obscurité du désir : car le souvenir de cette unité originelle s'est perdu en même temps que l'unité elle-même ; de sorte qu'à parler strictement, nous ne savons pas ce que nous désirons : "Que souhaitez-vous vous voir arriver l'un par l'autre ?" pourrait-on demander aux amants enlacés (Banquet, 191d ). Nul doute que cette question apparemment saugrenue ne manquerait pas de les troubler ! Il y a donc dans le désir un non-savoir fondamental. Et cette ignorance explique aussi pourquoi aussi le désir a partie liée avec l'illusion : si toute illusion est teintée de désir, n'est-ce pas parce que le désir lui-même est à l'origine de l'illusion ?

2.

Désir et affirmation : puissance et existence

Mais PLATON utilise dans le Banquet un autre mythe, raconté cette fois par la prêtresse Diotime (Banquet , 2O3ac) : Eros (= le désir amoureux) a été conçu le jour de la naissance d'Aphrodite, après le festin que les dieux, parmi lesquels Poros ("la ressource", "la richesse"), donnèrent en cet honneur. Penia ("la pauvreté", "l'indigence"), une mendiante qui passait par là, eut l'idée de mettre à profit l'occasion qui se présentait en se couchant auprès de Poros, qui s'était endormi tout enivré de nectar. C'est ainsi que naquit Eros. Le désir, tel qu'il apparaît à travers ce mythe, n'est donc plus seulement le manque (penia), il est aussi une richesse (poros). Il est notamment l'aiguillon du savoir (ce qui n'est pas sans rappeler ROUSSEAU : on ne peut concevoir, écrit-il, "pourquoi celui qui n'aurait ni désirs ni craintes se donnerait la peine de raisonner"). Il est un milieu entre l'ignorance et le savoir, et en ce sens il est l'âme même de la philosophie. En tant que tel, il a donc une valeur positive.

La même conclusion, touchant au caractère affirmatif du désir, pourra encore se trouver chez SPINOZA (Ethique , III:5) : l'âme, comme tout ce qui est, "s'efforce de persévérer dans son être pour une durée indéfinie et a conscience de son effort" (Ethique, III:9). Seule une cause extérieure peut en effet chasser une chose de l'existence. C'est pourquoi toute chose s'efforce de persévérer dans l'existence, dans l'être. L'homme n'échappe pas à cette loi. "Cet effort, quand il se rapporte à l'âme seule, est appelé Volonté; mais quand il se rapporte à la fois à l'âme et au corps, est appelé Appétit (...) Le désir est l'appétit avec conscience de lui-même". Le désir est donc l'effort [conatus dans la langue de Spinoza] pour persévérer dans l'être propre à l'homme. C'est pourquoi le désir est l'essence même de l'homme, c'est-à-dire sa puissance affirmative d'exister. Ou encore : il est l'existence même, en tant que toute existence s'efforce de persévérer dans l'être, "en tant qu'elle ne contient jamais en elle sa propre négation". Et en ce sens, on ne saurait en aucun cas désirer la mort pour elle-même. On connaît la conséquence qu'en tire SPINOZA : "nous ne désirons aucune chose parce qu'elle est bonne ; mais au contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, la voulons, appétons et désirons" (Ethique,III:9, scolie). En d'autres termes, le désir est l'origine de la valeur que nous attribuons aux choses ; c'est un complet renversement de la conception platonicienne, qui faisait du désir une tension vers un objet actuellement manquant qui lui serait depuis toujours destiné. Le désir n'est donc pas seulement expérience de la négation, du non-être : il est créateur de valeur, source d'existence.

C'est encore ce qu'exprime le terme de négativité dans la philosophie de HEGEL : par le désir, la réalité n'est pas seulement niée, et même elle ne l'est pas fondamentalement. Comment l'objet du désir, dont le destin est d'être supprimé comme tel pourrait-il être la visée réelle du désir ? On en revient, on le voit, à la question que nous posions tout à l'heure avec PLATON : que désirons-nous au juste ? De quoi au juste le désir est-il désir ? La réponse de HEGEL est paradoxale (mais pouvait-il en être autrement vu les termes de la question ?) : ce que désire la conscience n'est pas ce qu'elle désire en apparence, l'objet du désir. Celui-ci n'est qu'un moyen en vue de la réalisation de l'unité du moi avec lui-même, car "l'Esprit", la conscience de soi, n'est pas une donnée immédiate, mais une réalité dont l'essence est de se faire. Et "c'est bien pourquoi elle ne pourra s'atteindre elle-même qu'en trouvant un autre désir, une autre conscience de soi" (Jean HYPPOLITE). Le désir se cherche donc lui-même à travers l'autre. La négativité, c'est ainsi le principe de différenciation par lequel l'esprit se manifeste et se rend présent à lui-même. En d'autres termes, le "travail du négatif" (pour reprendre encore une expression hegelienne) en lequel on peut reconnaître l'oeuvre du désir, n'est nullement une simple négation, une simple poursuite de ce qui manque. L'éloge des passions chez HEGEL a le même sens.

En résumé, le désir n'est donc pas moins réel que le réel qu'il désire. Il est en ce sens puissance positive de réalisation, puissance productrice de réalités potentielles qui n'attendent que nous pour venir à l'être, mais qui déjà existent pour nous à titre de projets. Le désir est donc la productivité même de l'existence.



Encyclopédie
     WIKIPEDIA


Voir l'article sur le désir (13 Ko) copié de 
Lexique E N  C O N S T R U C T I O N  . . .

Medias


Audio exposé
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Le plaisir épicurien  audio : clic sur le bouton vert . . . 3'41"
en compagnie de Jacques RICOT
Source : Site Philosophie de l'Académie de Nantes
URL : http://www.ac-nantes.fr/peda/disc/philo 

Video conférence
Université de tous les savoirs / Canal U, 2000 - format
L'amour en deux leçons  visionner ( ADSL recommandé ) . . . ??'??"
en compagnie de Claude HABIB
Source : Centre de ressources et d'informations sur les multimédias pour l'enseignement supérieur (CERIMES)
URL : http://www.canalu.fr/canalu/producteurs/universite_de_tous_les_savoirs/...


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