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édition originale 16-03-2003
actualisée le 12-05-2008

« Le bonheur suppose sans doute toujours quelque inquiétude [...] » (une citation d'Alain)...
23/11/2005

De Snap99 le 23/11/05 : "Alain a écrit : « Le bonheur suppose sans doute toujours quelque inquiétude, quelque passion, une pointe de douleur qui nous éveille à nous-même ». Ce mélange me laisse perplexe et je ne sais pas comment prendre à tâche cette dissertation... Faut il approfondir chaque notion : <inquiétude>, <passion> et <douleur>, ou bien traiter le sujet du bonheur dans la globalité de ces notions ? La passion serait-elle alors un frein ou plutôt un moteur au bonheur ? D'autre part, l'inquiétude (trouble, crainte) n'est elle pas douleur aussi ? Merci de m'éclairer un peu pour le plan... J'ai le pressentiment de faire fausse route !"

=> 24/11/2005 : Bonjour Snap... Vous êtes bien "le" Snap de l'an dernier ? Ne me dites pas que vous avez redoublé ! Je n'y crois guère, car votre sujet ne paraît pas être de terminale... Quoi qu'il en soit, je vais vous demander de patienter un peu. Vous pouvez lire votre citation dans son contexte : Alain, Propos sur le bonheur, chap. XLVI - "Le roi s'ennuie" (22 janvier 1908). Probablement utile... Ces Propos sont faciles à trouver en livre de poche. Sinon voyez ici : http://www.uqac.ca/class/classiques/Alain/Alain.html. A bientôt.
De Snap le 25/11 : "Je suis bien le même snap99 , mais en prépa cette fois et débordé de travail. Merci pour le lien... La conception du bonheur pour Alain est étonnante et va à l'encontre de ce que l'on attend du bonheur : traditionnellement, on assimile le bonheur à la paix de l'âme, à la tranquillité. C'est donc paradoxal ; le bonheur n'est-il pas ce repos, cette tranquillité de l'esprit après la tempête ? Je dois faire référence à Sénèque et à la figure du sage qui s'oppose à toute forme d'inquiétude et de passion... mais comment justifier le jugement d'Alain qui précise qu'il faut être éveillé à soi-même, lucide, sortir de l'illusion ? Voici quelques réflexions , mais j'ai du mal pour le plan : faut-il plutôt envisager un plan analytique ou bien par thèse / antithèse / synthèse ? Merci pour votre aide... Je n'ai pas oublié votre aide tout au long de l'année dernière. Ma note de philo au bac était 16 (sujet sur la liberté) !"

=> 01/12/2005 : Bonjour. Ne me remerciez pas. Envoyez-moi plutôt votre carte bleue (avec son code, bien entendu) ;-) ...Pensez à ce que dit Alain : "le bonheur suppose sans doute toujours [...] une pointe de douleur" ! Or me donner de l'argent vous fera en effet un peu mal. Si donc vous voulez être heureux - je vous fais confiance pour rester logique dans la conclusion...

Mais voyons la difficulté d'un peu plus près : Alain évoque, dans le même chapitre XLVI de ses Propos sur le bonheur, "un vieux roi qui joue avec des courtisans ; quand il perd, il se met en colère, et les courtisans le savent bien ; depuis que les courtisans ont bien appris à jouer, le roi ne perd jamais. Aussi voyez comme il repousse les cartes. Il se lève, il monte à cheval ; il part pour la chasse ; mais c'est une chasse de roi, le gibier lui vient dans les jambes ; les chevreuils aussi sont courtisans." Manifestement alors, comme dit le titre du chapitre XLVI, le roi s'ennuie : rien ne lui fait défaut, puisqu'il a tout, tout vient à lui, et il a pouvoir sur tout et sur tous. Mais cette plénitude est une fausse plénitude. Ce plein est un vide, et le roi, donc, s'ennuie. Dans l'ennui, plus rien ne passe, plus rien ne se passe. Il n'y a rien à gagner, rien à perdre non plus - sinon son temps (et en effet l'ennui est perception pure du temps, puisque plus rien ne s'y passe). La plénitude immobile des rois, grands ou petits, qui se plaignent de tout en ne manquant de rien, ne peut pas être le vrai bonheur. Le vrai bonheur, trouvons-le dans la recherche et jusque dans l'accomplissement (pensez à la joie selon Bergson), non dans le fait accompli : "c'est la puissance qui plaît, non point la puissance au repos, mais la puissance en action. L'homme qui ne fait rien n'aime rien." (Alain, toujours dans le même chapitre). Si vous voulez rendre des enfants malheureux, c'est bien simple : donnez-leur tout, épargnez-leur toutes les peines, amusez-les bien. Traitez-les comme des dieux : "ces petits Jupiters" voudront "malgré tout lancer la foudre", inventer "des obstacles", se forger "des désirs capricieux", changer "comme un soleil de janvier", voulant "à tout prix vouloir", et tomberont "de l'ennui dans l'extravagance". Car "les dieux, s'il y en a quelque part, doivent être un peu neurasthéniques" (ibid.).

Vous vous demandez : "La passion serait-elle alors un frein ou plutôt un moteur au bonheur ? D'autre part, l'inquiétude (trouble, crainte) n'est-elle pas douleur aussi ?". Je crois qu'Alain différencierait désir et passion, ou du moins distinguerait le désir, tension joyeuse qui me rappelle à moi mais aussi me tourne vers les autres, du pathos de la passion, qui est "toujours malheureuse". De même, me semble-t-il, qu'il ne donnerait pas à l'inquiétude le sens négatif que vous évoquez. Pensez au désir décrit comme inquiétude par Leibniz : sans désir, nous serions sans "inquiétude", c'est-à-dire immobiles, tels des horloges arrêtées - comme symboliquement autrefois, à la campagne, quand quelque vieux de la maisonnée venait à mourir. Du reste, remarquez bien : "quelque inquiétude, quelque passion", cela ne peut désigner ni l'inquiétude craintive, ni la passion aveuglante et aliénante.

Finalement, en pensant aussi au mot d'Aristote, qui dit que "la vie la meilleure est la vie active", vous verrez qu'Alain ne dit pas vraiment quelque chose de nouveau, et même si - vous avez raison - les stoïciens peuvent sembler à cet égard extrêmistes, rien ne dit que la tranquillité à laquelle, pour leur part, ils tendent à réduire le bonheur, ne soit le repos, ne serait-ce que parce que l'impassibilité n'est peut-être, chez eux, qu'une sorte de principe régulateur. Mais je ne suis sans doute pas assez connaisseur pour confirmer...

Car pour ma part, si je sais bien, comme Alain, que le bonheur n'est pas dans le repos, je crois comprendre aussi qu'il n'est pas davantage dans l'agitation. Et, ces temps-ci, je rêverais presque de m'ennuyer tant je suis sollicité. Ne serait-ce qu'une journée ou deux...

Donnez de vos nouvelles. Bon courage pour la suite. Avec toutes mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

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