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édition originale 16-03-2003
actualisée le 12-05-2008

Spinoza : le sage s'interdit-il de prendre du plaisir ?...
08/11/2004

De Lili le 08/11/04 : "Bonjour. J'ai besoin d'aide pour l'étude d'un texte de Spinoza : "Et ce n'est qu'une sauvage et triste superstition qui interdit de prendre du plaisir [...] parfaitement d'accord avec nos principes et avec la pratique commune." Mon travail n'est pas encore très approfondi puisque je dois le rendre dans deux semaines, mais comme la dernière fois (texte de Hobbes sur le désir) j'ai eu la réponse trop tard pour en tirer profit dans mon devoir je préfère m'y prendre plus à l'avance. Alors j'ai dejà fait une intro et j'aimerais votre avis :

Comment posséder la sagesse ? [J'hésite avec une autre question qui est : qu'est-ce que la sagesse ?]. C'est à cette question philosophique que Spinoza se propose de répondre dans ce texte. Il s'attache ici à démontrer que pour être sage, l'homme doit "chasser la mélancolie", c'est-à-dire éloigner les passions tristes qui diminuent sa perfection.

Voilà pour mon intro. Quand j'aurais bien organisé mes idées je vous en ferai part.
Merci d'avance pour vos conseils.
"

Le texte :

Et ce n'est certes qu'une sauvage et triste superstition qui interdit de prendre du plaisir. Car, en quoi convient-il mieux d'apaiser la faim et la soif que de chasser la mélancolie ? Tels sont mon argument et ma conviction. Aucune divinité, ni personne d'autre que l'envieux ne prend plaisir à mon impuissance et à ma peine et ne nous tient pour vertu les larmes, les sanglots, la crainte, etc., qui sont signes d'une âme impuissante. Au contraire, plus nous sommes affectés d'une plus grande joie, plus nous passons à une perfection plus grande, c'est-à-dire qu'il est d'autant plus nécessaire que nous participions de la nature divine. C'est pourquoi, user des choses et y prendre plaisir autant qu'il se peut (non certes jusqu'au dégoût, car ce n'est plus y prendre plaisir) est d'un homme sage. C'est d'un homme sage, dis-je, de se réconforter et de réparer ses forces grâce à une nourriture et des boissons agréables prises avec modération, et aussi grâce aux parfums, au charme des plantes verdoyantes, de la parure, de la musique, des jeux du gymnase, des spectacles, etc., dont chacun peut user sans faire tort à autrui. Le corps humain, en effet, est composé d'un très grand nombre de parties de nature différente, qui ont continuellement besoin d'une alimentation nouvelle et variée, afin que le corps dans sa totalité soit également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature, et par conséquent que l'esprit soit aussi également apte à comprendre plusieurs choses à la fois. C'est pourquoi cette ordonnance de la vie est parfaitement d'accord et avec nos principes et avec la pratique commune.

=> 10/11 : Bonjour Lili. J'ai reproduit ce texte ici (avec les quelques lignes qui le précèdent). Votre introduction est perfectible, mais elle va à l'essentiel. Toutefois, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, au sujet de l'introduction de votre commentaire de texte de Hobbes, votre présentation gagnerait à formuler plus exactement le problème. En attendant une page spécialement dédiée à la méthode de l'introduction du commentaire de texte ("bientôt sur votre écran !"), je vous renvoie à nouveau à mes conseils généraux sur le commentaire, et à la fiche explicative concernant la notion de problème philosophique.

Votre hésitation, quant à elle, n'est pas bien importante : Comment posséder la sagesse ? ou Qu'est-ce que la sagesse ? cela revient à peu près au même, puisqu'on ne se demande ici ce qu'est la sagesse qu'en vue de la posséder.

Concrètement, pour améliorer votre présentation, vous pourriez formuler votre question de façon plus "fermée", c'est-à-dire plus précise : la question abordée ici par Spinoza est en effet la question de la place que le sage doit accorder au plaisir : ne faut-il pas renoncer au plaisir pour être sage ? Mais plus exactement encore, ce qui fait de cette question l'expression d'un problème philosophique, c'est l'idée que l'on a ordinairement de la sagesse :


(présentation du problème) On pense que l'homme qui s'étourdit de plaisirs n'est pas sage, que c'est même une sorte de fou : n'est-ce pas folie de s'adonner aveuglément au plaisir, à tous les plaisirs ? Et en effet, celui qui n'a pour guide que le plaisir n'est pas raisonnable : le bien-être n'est pas le bien. L'agrément n'est pas une valeur... Bien dit, semble-t-il : la seule valeur morale est le bien, et le sage doit obéir à la raison qui commande de faire le choix du bien. Pourtant, on passe aisément de là à l'idée que le plaisir est sans valeur. Un pas de plus encore, et on dira qu'il faut renoncer au plaisir... En quelque sorte : le plaisir n'étant pas le bien, c'est donc (!?) qu'il est mauvais ! Mais cette déduction est-elle correcte ? Est-ce vraiment faire preuve de sagesse que de s'interdire tout plaisir ? Faut-il nécessairement écarter le souci du bien-être pour accéder au bien ? Répondre positivement, ne serait-ce pas convenir que sagesse rime avec tristesse ? Est-ce acceptable ?

(formulation de la thèse) Comme on le voit dans le texte, Spinoza n'est pas d'accord avec cette position, qu'il qualifie sévèrement de "sauvage et triste superstition". Et la thèse qu'il développe ici implique une contestation de l'idée de froide raison : être sage, ce n'est certainement pas s'interdire de prendre du plaisir. La sagesse ne saurait exclure le bonheur, et le bonheur n'est nullement incompatible avec le plaisir. Au contraire, le sage doit [comme vous l'écrivez très bien !] " éloigner les passions tristes qui diminuent sa perfection".

(transition vers l'analyse du texte) Quelle argumentation Spinoza déploie-t-il pour établir cette thèse ?


Voilà. Il me semble que dans une introduction, on doit s'efforcer d'expliciter aussi précisément que possible le caractère problématique de la question posée : vous avez bien vu quelle était la réponse (c'est-à-dire la thèse de l'auteur) ; il suffisait, pour améliorer votre présentation, d'expliciter le problème condensé dans la question telle que vous l'avez formulée.

Vous pouvez, si vous le souhaitez, m'adresser un schéma de l'argumentation du texte, et / ou le plan de votre discussion. En attendant de vous lire, recevez mes amitiés.

De Lili à nouveau, le 11/11 : "Merci grâce à vos conseils j'ai modifié mon introduction [...].

Voilà mon plan :

 I ) La conception ordinaire de la sagesse

a) Enoncé de la conception ordinaire : Pour atteindre la sagesse, il faut renoncer à tous les plaisirs, il faut vivre dans l'austérité. Cette conception est comme la conception chrétienne, elle "interdit de prendre du plaisir" car c'est péché. Le plaisir est considéré comme quelque chose de mauvais pour l'âme car le plaisir s'éprouve dans l'instant et est du domaine de la sensation. La vertu étant, selon cette conception, dans les larmes, les sanglots, la crainte, etc.

b) Critique par Spinoza de cette conception : cette conception est jugée qualifiée sévèrement de "sauvage et triste superstition", c'est-à-dire de croyance sans fondement qui se fait spontanément et qui n'a par conséquent pas lieu d'être. Il faudrait vivre dans la tristesse, "la mélancolie", mais vivre dans la tristesse, c'est être sans cesse affecté de passions tristes, qui diminuent la puissance d'agir de l'homme et l'éloigne de la vertu et de la raison. La vertu (puissance même de l'homme) et la raison (principe de commandement intérieur par lequel nous nous ordonnons à nous-mêmes ce qui est à faire ou non) aidant l'homme à atteindre la sagesse, l'homme ne peut l'atteindre en vivant dans la tristesse. Personne, pas même un être suprême, ne peut recommander cette conception puisqu'en éprouvant de la tristesse, on s'éloigne de notre puissance d'agir, on devient "impuissant", on n'agit donc pas selon notre nature. Spinoza évoque aussi les joies de la haine, c'est-à-dire que certains prennent plaisir au mal des autres et c'est d'ailleurs eux qui recommandent cette conception de la sagesse. "L'envieux" éprouve donc du plaisir lorsque j'éprouve des passions tristes, mais si j'éprouve des passions joyeuses c'est lui qui est triste. C'est un impuissant. Alors il décide de manière égoïste que pour atteindre la sagesse, l'homme doit éprouver de la tristesse.

II ) La thèse de Spinoza

a) Il faut prendre du plaisir : il faut chasser la mélancolie, c'est-à-dire éloigner les passions tristes qui diminuent notre puissance d'agir, pour satisfaire les tendances biologiques, "la faim et la soif". Il nous expose ainsi son "argument" et sa "conviction", destinés à réfuter la conception ordinaire de la sagesse et à prouver sa thèse. Sa thèse = lorsqu'on éprouve du plaisir, on satisfait une tendance, donc on éprouve de la joie (passage d'un degré de perfection à un autre) puisqu'on désire ce qui nous affecte de passions joyeuses. Notre puissance d'agir est par conséquent augmenté (par la connaissance, on prend possession de notre puissance d'agir, à la faveur de l'accumulation de passions joyeuses), alors notre realité formelle est plus grande (notre degré de realité ou de perfection) et ainsi on participe de la "nature divine", c'est-à-dire qu'on s'unit à Dieu, c'est-à-dire à la Nature. Il faut se servir des objets en accord avec notre nature afin d'augmenter notre puissance d'agir et il faut augmenter notre puissance d'agir au maximum et donc user des choses "autant qu'il se peut". Le sage doit satisfaire ses tendances sans faire de tort à autrui c'est-à-dire qu'il doit tout de même obéir à une autorité (la république) qui interdit la satisfaction de certains désirs individuels qui nuisent à autrui. En effet "la liberté de chacun s'arrête là où commence celle des autres". Le corps est constitué d'une infinité de parties qui ont besoin pour agir en fonction de leur nature de satisfaire chacune des tendances. Pour agir selon la nature du corps dans sa totalité, toutes ses tendances doivent être assouvies, il faut donc varier les plaisirs. On peut parler de conatus puisqu'assouvir ses désirs c'est un effort pour persévérer dans son être. Dans la dernière phrase, il Spinoza parle d'une "ordonnance de vie" c'est-à-dire qu'il faut satisfaire toutes les tendances pour accéder à la sagesse.

Par contre je ne comprends pas la dernière phrase, puisque je ne connais pas les "principes" et "la pratique commune".

b) Il faut savoir se modérer : il faut "user des choses" mais avec mesure, il ne faut pas aller "jusqu'au dégoût". Cela présuppose une connaissance de soi puisqu'il faut savoir jusqu'où aller dans la satisfaction des tendances.

Conclusion :

Dans ce texte, Spinoza propose une réponse au problème de la conception de la sagesse. D'après lui, être sage ce n'est pas rejeter les plaisirs comme le font les religions du Livre, mais c'est prendre du plaisir en usant des choses avec modération.

Voilà mon commentaire. Je pense que je vais le rédiger ce week-end ou mercredi prochain. J'espère avoir votre avis avant. Sinon c'est pas grave il me servira à comprendre mes erreurs.

Merci d'avance."

=> 14/11 : Rebonjour Lili. Et merci de votre nouvel envoi, que je reproduis ici après avoir corrigé quelques fautes ;-)

Je n'ai pas grand chose à redire, dans l'ensemble, à votre travail, qui paraît très prometteur. Votre plan est en effet correct et votre compréhension exhaustive. Pour ce qui est des "principes" et de "la pratique commune", il ne faut pas chercher bien loin : nos principes renvoie à la philosophie même de Spinoza, dont vous avez perçu l'essentiel en évoquant notamment sa théorie des passions (tristes ou joyeuses) et de la nature humaine. Quant à la pratique commune, il s'agit tout simplement de l'orientation commune des hommes, qui préfèrent naturellement ce qui leur procure du bien-être plutôt que de la tristesse ! Ce que veut donc dire Spinoza, c'est que sa philosophie n'est pas contraire au sens commun : la sagesse n'implique pas de renoncer au plaisir... Après tout, aucun homme ni aucune femme n'envisage spontanément de mortifier son âme et son corps.

Vous trouverez, pour terminer, un commentaire de ce texte en bas de cette page (repris de ) : cette étude d'Eric Delassus pourrait peut-être vous apporter un éclairage supplémentaire... si ce n'est pas trop tard.

Encore bravo, et donnez de vos nouvelles. Avec mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

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