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le langage


 


Notion

Le langage désigne une faculté : la faculté des signes, la faculté symbolique : faculté d'inventer et d'utiliser des signes arbitraires.


Ne pas confondre avec un langage : un langage, en effet, c'est :

  • soit un code résultant d'une convention expresse en vue d'un usage technique. Par exemple le morse, qui est un code alphabétique transcrivant l'écriture, ou tel ou tel système d'instructions informatiques.
  • ou un code spécialisé se substituant à la langue (parlée ou écrite, selon le besoin) : le langage des sourds-muets, par exemple, qui est en fait une langue... (voir Lexique).
  • ou une façon de parler (ce qui est bien le cas de le dire...).
  • voire la communication non verbale des diverses espèces animales. Cette dernière acception du mot langage est vraiment trompeuse et devrait être évitée.

...En anglais, language (avec un U) signifie "langue". Mais la confusion doit pouvoir être évitée en français : le chinois, le russe, l'arabe... ne sont évidemment pas "des langages", mais des langues. Le langage est la faculté d'utiliser et même de créer des signes, dans des systèmes qui s'appellent des langues.

Problèmes
  1. Qu'est-ce que la pensée sans les mots ?
Le langage exprime la pensée. C'est du moins ce que nous disons, sans bien nous apercevoir qu'en présentant les choses ainsi, on suppose que nous pensons d'abord, et que nous disons ensuite ce que nous pensons : le langage serait ainsi l'habit de la pensée. Mais une pensée "nue", une pensée sans mots peut-elle vraiment exister ? S'il est vrai que nous ne pouvons pas vraiment penser sans mots, cela n'implique-t-il pas de réviser notre idée de l'expression ?

  1. Les mots peuvent-ils dire la vérité ?
Le langage dit des choses, il dit les choses, le monde... Ou plutôt il peut le prétendre. Mais justement, le mot dit-il bien la chose ? Le langage est-il adéquat au réel ?

  1. Parler, n'est-ce pas déjà agir ?
Le langage peut être vu comme un mode d'action : en effet, dire, n'est-ce pas déjà agir ?

Repères

un cours sur le langage...
cours

1.

LE LANGAGE ET LA PENSEE :

* Le langage, signe et instrument de la pensée (Descartes 1 et 2), est avant tout une faculté psychique : les sourds, qui ne peuvent parler, usent pourtant d'une langue "signée" faite de gestes codifiés en même façon que nous de la voix (Abbé de l'Epée).

* Cependant, la pensée ne suppose-t-elle pas elle-même le langage ? Peut-on vraiment penser sans les mots ? Certes, la pensée peut nous paraître ineffable, mais n'est-ce pas une illusion de la pensée (Hegel) ? Et l'on peut bien imaginer sans employer de mots, mais penser, est-ce seulement se former des images (Rousseau) ? Ne faut-il pas convenir plutôt que la pensée se forme en se formulant (Merleau-Ponty) ? Platon avait sans doute pressenti cette intrication du langage et de la pensée en faisant de cette dernière le « dialogue de l'âme avec elle-même ».

* Le langage a-t-il d'ailleurs pour seule fonction la communication des idées (Benveniste) ? Le langage peut aussi en effet se désigner lui-même (fonction métalinguistique du langage), se rapporter à la réalité, dans une intention scientifique ou poétique, etc.

* Consciente ou inconsciente, notre pensée n'est-elle pas dès lors de part en part gouvernée par le langage (Lacan, Benveniste) ? "L'être humain parle. Nous parlons éveillés ; nous parlons en rêve. Nous parlons sans cesse, même quand nous ne proférons aucune parole, et que nous ne faisons qu'écouter ou lire ; nous parlons même si, n'écoutant plus vraiment, ni ne lisant, nous nous adonnons à un travail, ou bien nous abandonnons à ne rien faire." C'est pourquoi, "c'est bien la parole qui rend l'homme capable d'être le vivant qu'il est en tant qu'homme". (Heidegger).

=> A plus d'un titre, le langage est donc inséparable de la pensée, qui est le propre de l'homme.

2.

LES MOTS ET LES CHOSES :

* Aucun jugement vrai sur la réalité ne peut éviter d'employer les voies du langage. Le raisonnement logique lui-même est impossible hors des mots. Nous ne pouvons donc accéder au réel qu'en faisant usage du langage.

* Mais est-ce bien au réel alors que nous avons affaire ? La langue est en effet l'élément de toute culture, donc de notre réalité (Benveniste, Martinet, Foucault).

* Elle est en effet un système de signes qui relient non des mots et des choses, mais des mots [plus exactement, des "signifiants"] et des concepts [="signifiés"] (De Saussure) : le monde, c'est pour nous d'abord le sens du monde. Le langage est donc le "filtre" à travers lequel nous apparaît le réel.

* Par suite, le langage ne nous dit pas la vérité sur notre vécu aussi bien que sur le monde extérieur : selon Bergson, seule "l'intuition" directe peut nous restituer le réel. Le langage, parce qu'il favorise l'action commune, est un outil pratique, commode, mais en s'interposant entre l'esprit et le monde, il constitue aussi un obstacle (Bergson 1, 2, 3).

* Illustration : la métaphysique d'Aristote repose sur les catégories conceptuelles impliquées par la langue grecque (Benveniste). En croyant désigner l'être, elle déploie en fait la grammaire de la langue qu'elle utilise.

* Pourtant, la science n'est-elle pas « une langue bien faite » (Condillac, Leibniz) ?

* Et l'art (poésie par excellence) ne transcende-t-il pas lui aussi l'usage ordinaire du langage (Beauffret, Mallarmé) ?

=> Nous ne voyons donc la réalité qu'à travers le prisme des mots, et cependant c'est du langage seul que la vérité peut advenir.

3.

LE POUVOIR DES MOTS :

* Au point de vue de l'individu, et même de la personne, le langage est ce qui rend possible l'unité subjective de la conscience de soi (Kant, Benveniste) : est "je" qui dit "je".

* Mais plus généralement fondé sur la possibilité d'une combinatoire illimitée, il est une raison ouverte (Chomsky), c.-à-d. un pouvoir adaptatif rationnel à portée universelle (Descartes), qui est de plus source de progrès, c'est-à-dire d'histoire (Rousseau).

* Mais est-ce bien aussi rationnellement que la nécessité de parler s'est d'abord manifestée ? On peut soupçonner en effet que les mots sont davantage des instruments d'action que des outils au service de la connaissance; il y aurait alors dans cette prétendue fonction strictement "théorique", voire "informative" de la parole une illusion majeure (Nietzsche) : parler, c'est (déjà) agir.

* En effet, bien que certains admettent que le langage permet avant tout aux hommes d'énoncer des idées (Descartes) ou d'exprimer des besoins (Lucrèce), n'est-il pas d'abord un instrument du pouvoir rhétorique d'éveiller dans la personne d'autrui certaines passions (Rousseau) ? En d'autres termes, l'homme n'est-il pas d'abord un animal éloquent ?

* Quoi qu'il en soit, sans le langage articulé les animaux peuvent exprimer leurs besoins ainsi que l'agréable et le pénible (qui sont des émotions liées à des sensations). Mais seul le langage humain a le pouvoir de dire le juste et l'injuste (qui sont des Idées) : décrété par le tyran ou discuté par le parlement, le droit qui régit la Cité est un fait de langage (Aristote). Or, le droit exprime une idée, non une sensation ou une émotion.

* Cependant, la "raison d'Etat" fait que la parole du prince ne doit se soucier que de donner l'apparence de la justice (Machiavel).

* Moyen de dissimulation ou d'intimidation, de persuasion et de commandement, le langage est ainsi une source d'abus considérable (Hobbes).

* Dans l'Etat moderne pourtant, le règne de la violence et de l'argent rend obsolète l'éloquence persuasive du discours politique (Rousseau).

=> Il faut donc opposer aux sortilèges de la parole l'espoir rationnel qui est présupposé dans tout vrai dialogue (Platon, Weil) : on ne se parle qu'en admettant tacitement l'existence, en autrui, de la raison, et donc la possibilité d'une entente autour d'une vérité commune.

Lexique
  • Le LANGAGE est, au sens strict, la faculté d'articuler des signes et d'utiliser des symboles. Surtout ne pas confondre avec un langage, notamment au sens de moyen de communication quelconque : le langage des abeilles est un langage, mais cela ne peut vouloir dire autre chose qu'elles sont naturellement capables de communiquer des informations simples

  • La LANGUE est un système de signes (= un code arbitraire) particulier utilisé par un groupe humain (exemple : le français, l'anglais, le chinois, l'arabe).

    Attention : le "langage gestuel" des sourds-muets est en réalité une langue : en France il s'agit de la LSF (= langue des signes française). Elle est apparentée à l'ASL (= American Sign Language), et assez différente de la langue signée en Grande Bretagne (= BSL). Ces langues n'ont donc rien d'universel, et constituent des codes aussi conventionnels et aussi complexes que les langues parlées.

  • La PAROLE est l'utilisation individuelle de la langue, la langue variée. En ce sens, les sourds-muets qui utilisent la "langue signée" ont la parole.

  • L'ECRITURE est une transcription de la parole.

  • Le SIGNE est pour la linguistique (la science des langues), une réalité composée : il est en effet formé par l'association d'un SIGNIFIE, qui est le sens, le concept, et d'un SIGNIFIANT, qui est l'image psychique du son (F. de Saussure).

  • Le REFERENT, quant à lui, est la chose désignée par le signe. Par exemple, "l'étoile du soir" et "l'étoile du matin" sont deux signes distincts, mais ont même référent : la planète Vénus.

  • Le signe est dit ARBITRAIRE, en ce que l'association signifiant / signifié n'est pas naturelle, mais instituée. En ce sens, les langues sont des institutions sociales.

  • On appelle habituellement SYMBOLE un signe dans lequel l'association en question peut être considérée moins arbitraire. Par exemple, le renard est le symbole de la ruse... mais ce faisant, on néglige le fait que le renard est un mammifère, carnassier, portant fourrure...

  • Malgré cette distinction, signes et symboles se caractérisent presque toujours par leur POLYSEMIE (un mot a généralement plusieurs sens, mais aussi un sens peut le plus souvent être rendu par des mots différents). C'est une source d'équivoque, donc d'ambiguïté, mais aussi d'humour, et sans doute aussi de richesse.

Encyclopédie
     WIKIPEDIA


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Le réel, l'interprétation, le langage...





            


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