Chargement en cours . . . 
COURRIER

 télécharger / imprimer la page...
page précédente...
dossiers, lexiques, textes, ...
la dissertation, le commentaire...
mises à jour, projets...
moteurs de recherche...
Philia [accueil]
   Mots clés :
Moteur actif Cléphi  
courrier - contacter - Philia -
Vous êtes ici :

 La messagerie de Philia
 COURRIER

édition originale 16-03-2003
actualisée le 12-05-2008

Ne désire-t-on que ce dont on manque ?...
25/10/2005

De marie_896@... le 25/10/2005 : "Pourriez vous m'aider pour ma dissertation de philosophie ? Je suis quelque peu bloquée et à cours d'idées... Le sujet est : Ne désire-t-on que ce dont on manque ? J'ai pensé à faire :

  1. Le désir nécessaire (besoin vital),
  2. Le désir superflu (tout ce qui n'est que désir créé par l'homme et la société dans laquelle il vit). Mais en...
  3. Je ne sais pas trop quoi traiter. Je vous en remercie d'avance.

Ps : pourriez-vous m'adresser la réponse directement sur ma boîte email dès que possible. Merci beaucoup."

=> 30/10/05 :

Bonjour Marie. Je vous réponds, comme promis, mais pas à votre adresse électronique (c'est la règle, qu'on se le dise...). Concernant les éléments que vous proposez : le dossier Philia sur le désir devrait déjà vous permettre d'y voir un peu plus clair, notamment dans la partie intitulée « Distinctions : désir & besoin ». Cette distinction est en effet centrale pour votre sujet puisque désir et besoin procèdent tous deux d'un "manque". Certes, d'une certaine façon, vous vous proposez de le faire, mais le plan que vous proposez se réduit à cette distinction besoin / désir. Il faut aller plus loin si vous voulez bien faire, en centrant davantage vos propos - comme doit vous le suggérer une analyse précise du sujet : celui-ci ne vous demande pas essentiellement, en effet, de quoi le désir est manque (du "nécessaire" ou du "superflu" : il ne faut pas se laisser abuser par la formulation, "ce dont..."), mais si l'on doit le penser - oui ou non - comme un manque. En d'autres termes, la question porte sur l'essence du désir.

Plus précisément, le sujet admet un présupposé important : nous désirons ce dont nous manquons (et la question est de savoir si nous ne désirons que cela). Or comment ne pas accepter ce présupposé ? Il paraît donc logique de commencer par là : il semble bien que je désire cette jolie voiture parce que je n'ai pas de jolie voiture (la mienne est laide, ou même je n'en ai pas), exactement comme je désire manger parce que mon estomac est vide. Le désir manifeste une sorte de "creux", même si ce n'est pas un creux à l'estomac ! Même lorsque le désir s'étaye sur le besoin (= désirer une jolie voiture quand on a besoin d'une voiture), il ne se confond pas avec lui. Il n'est pas, dit Sartre, un simple "état psychique", mais la manifestation du néant au coeur de l'être. Vous pourriez alors commencer à préciser : ce manque implique l'imaginaire, la subjectivité, etc. (contrairement au besoin, qui est toujours objectif et réaliste)

Toutefois, le petit creux qui nous fait ressentir la faim suffit, à lui seul, à expliquer le désir de manger : je désire manger parce que j'ai faim. Le désir de jolie voiture semble bien moins facilement explicable, même si je le justifie en disant que je désire la voiture précisément parce qu'elle est jolie. Cette justification est-elle bien, en effet, une explication correcte ? Ne devrais-je pas plutôt reconnaître, suivant en cela Spinoza, que c'est l'inverse, c'est-à-dire : que je ne désire pas la voiture parce qu'elle est jolie, mais qu'elle est jolie parce que je la désire ? Le désir n'est-il pas production de valeur plutôt que déficience d'objet ?... Le manque ressenti nous fait d'abord penser que le désir a un objet qui lui est en quelque sorte prédestiné, mais en réalité c'est le désir qui crée le manque, lequel se fixe sur un objet. Ceci n'est-il pas, d'ailleurs, à même de nous éclairer sur l'indétermination de l'objet du désir ? Quand je mange, je n'ai plus faim, du moins jusqu'au prochain "creux" ; mais qu'advient-il quand mon désir est satisfait ? Il meurt, bien sûr - comme la faim meurt à la fin du repas - mais au lieu d'être apaisé (avant de renaître, identique à lui-même), il change d'objet, il se réoriente autrement. On peut bien dire que le désir est "suicidaire" (= en étant satisfait, il vise sa propre suppression), mais, en réalité, c'est toujours un "suicide" raté. Ou encore : mes désirs, au pluriel, semblent la "petite monnaie" du Désir, avec une majuscule. Prenez un peu connaissance de ce qu'en dit Spinoza.

Finalement, vous devez opérer une synthèse. Par exemple en disant que le désir est une puissance qui se manifeste comme une succession de manques. En d'autres termes, le manque ressenti dont procède le désir est positif, créateur - d'action, de projets, de valeurs,... bref d'existence. Ou encore, lisez le Banquet de Platon, notamment ce passage dans lequel Diotime évoque le mythe de la naissance d'Eros : fils de l'indigence et de l'opulence à la fois, Eros (= le désir) n'est jamais ni tout à fait pauvre (comment déclarer pauvre l'infatigable chercheur / chasseur que nous connaissons ?), ni tout à fait riche (sinon il posséderait son objet et ne se mettrait jamais en chasse). Et voilà pourquoi il est tantôt force, tantôt faiblesse : "En l'espace d'une même journée, tantôt il est en fleur, plein de vie, tantôt il est mourant ; puis il revient à la vie quand ses expédients réussissent [...]." Mieux : sa richesse est sa pauvreté. Il est "un intermédiaire", une médiation entre le manque et la puissance, le vide et le plein. Il est le moteur de l'existence. Et du savoir, puisque s'il était savant, il ne chercherait pas à savoir, mais s'il était seulement ignorant, et qu'il s'en contente, il ne chercherait pas non plus à savoir : si la curiosité est désir, c'est parce que le désir est curieux, parce qu'il cherche - précisément comme le philosophe, littéralement chercheur de sagesse (voyez l'étymologie).

Voilà. Vous ai-je un peu éclairé ? Si oui, il vous reste tout de même du pain sur la planche, car, en l'état, ces indications laissent encore... à désirer ! Donc bon courage pour la suite.

Avec toutes mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 076

 messages et formulaire...
 précédent... |      Lire      |  suivant...
| Intervenir |
 intervenir...



Moteur actif : Cléphi

changer le moteur =>  Cléphi  | Zoom | X-Recherche | aide

 remonter



            


 - Contrat Creative Commons (certains droits réservés) -



- Encyclopédie -