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édition originale 16-03-2003
actualisée le 12-05-2008

Le bonheur dépend-il de nous ?...
27/10/2005

De fabricepah@... le 27/10/2005 : "J'ai bien lu votre aide pour poser la problématique d'un sujet philosophique, mais la question que je me pose, c'est : faut-il jouer sur le côté ambigü du sens des mots, sur la formulation de la question ? Pour exemple, mon sujet est : Le bonheur dépend-il de nous ? Ici il me semble que la problématique consisterait à partir de la différence des hommes, donc la différence pour définir le bonheur, ou bien du terme "dépend" , à savoir s'il faut l'attendre ou pas. Mon oeuvre de support pour cette dissertation est La vie heureuse de Sénèque. Or dans cette oeuvre il y a plus [d'] une définition du bonheur. Merci d'éclaircir mes idées. Nota : pour votre site, bien que toutes les appréciations soient par défaut "excellent", il est vraiment bien construit et il est agréable d'y naviguer."

=> 30/10/05 :

Bonjour Fabrice. Merci de votre appréciation... Je savais déjà tout cela ;-)))

Il ne vous aura pas échappé que votre sujet a déjà évoqué dans ces colonnes, ici...

J'en viens à votre message : faut-il, vous demandez-vous, "jouer sur le côté ambigü du sens des mots, sur la formulation de la question" ? Je vous répondrai que la philosophie n'est pas une affaire de mots, mais de pensée, qu'elle est sérieuse à ce titre, et que, dans cette mesure, il ne faut certainement pas, si on veut être sérieux, jouer sur les mots, ni avec eux, car les mots, du point de vue philosophique, ne sont que des mots, c'est-à-dire rien que des véhicules de la pensée. Le philosophe n'est pas le poète. Il est vrai, bien sûr, que la pensée philosophique - comme toute pensée - a affaire au langage. Il faut donc bien connaître la langue française et ses pièges, pour analyser un sujet de dissertation, lire un texte philosophique, composer un essai, etc. Donc, dans cette mesure, il faut exploiter intégralement les ressources dont on dispose - ici c'est le sujet, composé avec des mots en effet, mais qui a le mérite d'être bref. Mais jouer sur les mots : non. En l'occurrence, je ne vois pas bien l'ambiguïté de votre sujet : soit le bonheur dépend de moi, de ma liberté (c'est à moi de le construire), soit il ne dépend pas de moi, mais du monde extérieur, de conditions contingentes qui m'échappent tout à fait - autrui, la "société", le "destin", ou n'importe quoi d'autre que moi (l'étymologie le suggère clairement : c'est un coup de chance).

Ce que vous dites par ailleurs, à savoir que les hommes n'entendent pas tous le bonheur de la même façon, est utilisable, mais plus indirectement. Kant, notamment, en tire un argument pour critiquer la recherche du bonheur, ou plutôt les tentatives philosophiques de définition du bonheur. Selon lui, en effet, le bonheur n'est qu' "un idéal de l'imagination", et, à ce titre, individuel : on ne peut par suite préconiser aucune règle universelle pour l'atteindre ("le problème qui consiste à déterminer d'une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble"). Du reste, à bien y réfléchir, ce qui rend cette tâche impossible, c'est que "malgré le désir qu'a tout homme d'arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut". Autrement dit, non seulement nul ne peut dire avec certitude ce qu'est "le bonheur", mais même nul ne peut connaître à l'avance quelles sont les conditions empiriques qui sont susceptibles de le rendre heureux ! ...Mais tout cela, toujours selon Kant, n'est pas bien grave, puisque, malgré leurs différences, les philosophies du bonheur (épicurisme et stoïcisme, notamment) ont ceci de commun qu'elles considèrent toutes le bonheur comme étant le souverain bien. Or c'est ce point qu'il conteste, en disant (pour aller vite) que le souverain bien ne saurait consister seulement dans un sentiment de bien-être - sinon, un méchant homme heureux serait un homme de bien , un méchant pourrait être bon, ce qui est absurde. Nous devrions donc plutôt, soutient Kant, tâcher de nous rendre "dignes d'être heureux" : ce qui dépend vraiment de nous, à vrai dire, ce n'est pas d'être heureux, mais c'est d'être vertueux, et c'est en faisant le bien (= vertu) qu'on peut mériter vraiment d'être bien (= bonheur) - sans toutefois jamais pouvoir exiger que ce bien-être nous soit "garanti". Le bonheur, pour Kant, est donc un "plus" dont la morale - ou, plus exactement, la moralité - peut se passer. Il ne saurait en aucune façon être désiré comme le bien suprême (= le souverain bien). Tout au plus peut-on espérer être heureux (ici-bas ou dans un autre monde), mais on ne devrait jamais croire que le bien est le bonheur, ni qu'il est un "dû". L'homme de bien, pour mériter son nom, doit être vertueux; il peut seulement être heureux, et il ne peut l'être vraiment que s'il a l'assurance d'avoir bien agi.

Quoi qu'il en soit, si vous voulez évoquer la difficulté de définir le bonheur, pourquoi ne pas tenter ceci : renvoyer dos à dos les définitions purement individuelles - ou individualistes - du bonheur ("chacun son truc", comme on dit familièrement, cela ne mène à rien de solide...) et ce que dit Sénèque du bonheur du troupeau (la conception commune du bonheur : "tout le monde désire être beau, riche et avoir une bonne santé", comme si c'était vraiment l'essentiel... et comme si tout le monde pouvait posséder cette chance).

Une autre chose aussi pourrait être évoquée : les conditions politiques (les deux mots sont importants) du bonheur. Je ne vous en dis pas plus. Vous allez bien trouver ;-)

Pour terminer, à propos de Sénèque, je ne vois pas que dans La vie heureuse il y ait matière à se perdre : l'auteur y déploie en effet une définition classiquement stoïcienne (une seule) du bonheur du sage. Les autres définitions - notamment la confusion du bonheur et du plaisir - y sont clairement critiquées.

Soyez heureux. Et bon courage pour votre devoir !

Avec toutes mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 077

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