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COURRIER


 

Lorsque l'enfant paraît...
22/01/2004

Le 22/01, d'un dénommé Personne (allons donc) : "Comment définiriez vous l'enfant ??? Si vous avez le temps de répondre ce serait gentil !"

=> 31/01/04 : Cher visiteur, ne faites pas l'enfant : je suis persuadé que votre nom n'est pas Personne - même si vous êtes une personne. Concernant votre question, qui est fort vaste, je vous répondrai que le principal préjugé, concernant l'enfant, c'est sans doute qu'il n'en a pas et qu'il est "innocent". Descartes a plus sûrement raison, lui qui pense que "pour ce que nous avons tous été enfants avant que d'être hommes, et qu'il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs, qui étaient souvent contraires les uns aux autres, et qui, ni les uns ni les autres ne nous conseillaient peut-être pas toujours le meilleur, il est presque impossible que nos jugements soient si purs, ni si solides qu'ils auraient été, si nous avions eu l'usage entier de notre raison dès le point de notre naissance, et que nous n'eussions jamais été conduits que par elle." (Discours de la Méthode, II) L'enfance, c'est ainsi l'âge des préjugés, non de l'innocence ou de la naïveté. La plupart des hommes, comme le dit Descartes - comme le disait Hobbes aussi bien, pensent et se conduisent comme des enfants. L'enfant est en effet l'être de raison qui n'a pas encore accédé à la raison. L'enfant a beau parler - encore que l'étymologie suggère le contraire, puisque in-fans signifie, littéralement, "qui ne dit rien, ne parle pas" (pas encore), il ne connaît du logos que l'une des faces. Logos, en grec, c'est le discours (le langage), mais aussi la raison, qui est aussi le propre de l'homme. "Nos premières idées sont des mots compris et répétés" (texte), mais comme dit encore Alain, l'enfant parle "avant de savoir ce qu'il dit" (Les sources de la mythologie enfantine, in Les Arts et les Dieux, éd. de la Pléiade, p. 1108). Et à vrai dire ce n'est pas seulement à la raison qu'il doit accéder, puisque sa sensibilité, aussi, demande à être éduquée. L'enfance nous apprend donc que l'homme n'est rien par nature puisqu'il doit tout apprendre (texte). En ce sens, il est "moins" que l'adulte. Pourtant, il est "plus" que l'adulte, puisqu'il peut tout devenir. La question essentielle est alors celle de son éducation, mais donc aussi, d'après ce que nous venons de dire avec Descartes, de notre cheminement d'adulte.

Soit. Mais comment éduquer ? C'est un problème, car s'il est entendu que l'enfant doit tout apprendre, en se formant auprès des adultes, le peut-il vraiment ? Ne doit-il pas en effet se former dans le plus grand dénuement, sur le plan intellectuel et linguistique, mais aussi sur le plan moral, affectif, social ?

Mais ce n'est pas tout. Car l'enfant, selon le mot d'Alain, "veut être homme" (Les Dieux, même recueil, p. 1220)... mais le veut-il vraiment et toujours ? Face à la difficulté de grandir, confronté à tant de contraintes, ne rêve-t-il pas en fait d'une enfance perpétuellement prolongée ? Selon Kant, par exemple, "il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. L'homme est le seul animal qui doit travailler. Il lui faut d'abord beaucoup de préparation pour en venir à jouir de ce qui est supposé par sa conservation. [...] Et où donc le penchant au travail doit-il être cultivé, si ce n'est à l'école ? L'école est une culture par contrainte. Il est extrêmement mauvais d'habituer l'enfant à tout regarder comme un jeu. Il doit avoir du temps pour ses récréations, mais il doit aussi y avoir pour lui un temps où il travaille" (Réflexions sur l'éducation). Il faudrait donc séparer temps de travail et temps du jeu, la classe et la cour de récré, principe de réalité et principe de plaisir. Voyez encore Alain, ou Hegel. Mais on devine ce que l'enfant préfère. Alors, ne faut-il pas forcer (pensons à l'allégorie de la caverne de Platon...). Mais s'il le faut, peut-on alors éduquer dans la liberté ?

"Par l'enfance, écrivait encore Alain dans Les Dieux, nous comprenons que nous sommes tous mal partis"... Mais "la liberté entre les mains d'un être sans culture et sans vertu, est une arme tranchante entre les mains d'un enfant." (D'Holbach).

J'ignore si j'ai satisfait votre demande. Je le souhaite, et vous adresse, ma bien chère personne, mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 021






            


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