Jeté sur ce globe sans forces physiques et sans idées innées
, hors d'état d'obéir par lui-même aux lois constitutionnelles de son organisation
, qui l'appellent au premier rang du système des êtres, l'homme ne peut trouver qu'au sein de la société la place éminente
qui lui fut marquée dans la nature et serait, sans la civilisation, un des plus faibles et des moins intelligents des animaux : vérité, sans doute, bien rebattue
, mais qu'on n'a point encore rigoureusement démontrée... Les philosophes qui l'ont émise les premiers, ceux qui l'ont en suite soutenue et propagée, en ont donné pour preuve l'état physique et moral de quelques peuplades errantes, qu'ils ont regardées comme non civilisées parce qu'elles ne l'étaient point à notre manière, et chez lesquelles ils ont été puiser les traits de l'homme dans le pur état de nature. Non, quoi qu'on en dise, ce n'est point là encore qu'il faut le chercher et l'étudier. Dans la horde sauvage la plus vagabonde comme dans la nation d'Europe la plus civilisée, l'homme n'est que ce qu'on le fait être ; nécessairement élevé par ses semblables, il en a contracté les habitudes et les besoins ; ses idées ne sont plus à lui ; il a joui de la plus belle prérogative
de son espèce, la susceptibilité de développer son entendement
par la force de l'imitation et l'influence de la société.
Jean ITARD
Mémoire sur les premiers développements de Victor de l'Aveyron,
repris par Lucien MALSON, Les Enfants sauvages,
éd. U.G.E., collection 10-18, pp. 125-126
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