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édition originale 16-03-2003
actualisée le 12-05-2008

De Schopenhauer à Nietzsche...
15/03/2006

From Appletree le 15/03/2006 : "Bonjour. Je viens de lire des extraits de Schopenhauer (Le monde comme volonté et comme représentation). J'ai lu plusieurs fois qu'il avait influencé Nietzsche et Freud. Freud, je vois bien, mais par contre, je ne comprends pas bien pour Nietzsche. A-t-il pris le contre-pied de Schopenhauer dans La Volonté de Puissance, dans la mesure où il semble préconiser (je suis prudente car je connais fort peu) justement de ne pas étouffer cette volonté de vivre, le désir, mais d'en 'user à fond' (pardonnez , je ne trouve pas de formulation plus philosophique) ? Merci de m'éclairer."

=> 20/04/2006 : Rebonjour chère appletree. Je pourrais commencer ma réponse en vous disant que je suis à nouveau très en retard... mais vous avez déjà lu cette phrase dans l'un de nos précédents échanges.

Sur les rapports entre Freud et Nietzsche, vous pourriez consulter, par exemple, l'article d'Edouard Gaède dans Nietzsche aujourd'hui ?, tome 2, dans la collection 10/18, d'après le Colloque de Cerisy de 1972 : de son propre aveu, après avoir tardivement consenti à lire Schopenhauer, Freud déclare avoir soigneusement évité de lire les oeuvres de Nietzsche, "de qui les divinations et intuitions concordent souvent de la façon la plus étonnante avec les résultats laborieusement acquis par la psychanalyse" (Esquisse autobiographique), "dans l'intention délibérée de ne pas [se] laisser entraver, dans l'élaboration des impressions reçues en psychanalyse, par aucune sorte d'idées anticipatrices" (in Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique - qui fait suite aux Cinq leçons sur la psychanalyse). Pourtant, dans La vie et l'oeuvre de Freud, E. Jones, son biographe le plus célèbre, relate les discussions qui eurent lieu, dès 1908, à la Société Viennoise de Psychanalyse sur l'oeuvre de Nietzsche. Lors de la première (en avril, sur la Généalogie de la Morale), Freud déclara avoir toujours eu en horreur "les abstractions philosophiques", et s'être, pour cette raison, détourné de l'étude de la philosophie, mais Jones releva que, lors de la deuxième discussion - en octobre - "il dit plusieurs fois que Nietzsche avait de lui-même une plus pénétrante connaissance que tout homme ayant déjà vécu ou devant vivre un jour futur" ! On sait aussi, par ailleurs, que Freud et Nietzsche avait, en la personne de Lou Andréas Salomé, une connaissance commune, qui, inévitablement, lui parla de Nietzsche. Ajoutons enfin que, dans l'entourage de Freud, plusieurs psychanalystes ont été "influencés" par leur lecture de Nietzsche : Groddeck, notamment, dans sa conception du ça... repris par Freud. C'est pourquoi, E. Gaède, l'auteur de l'article que j'ai sous les yeux, ne mâche pas ses mots : "la réaction de Freud en face de Nietzsche semble interprétable en termes de refoulement" (Nietzsche aujourd'hui ?, t. 2, p. 89) !

Les relations entre Freud et Schopenhauer sont à peine plus limpides : Otto Rank, raconte Freud dans la Contribution, montra à Freud que sa théorie du refoulement, qu'il était persuadé d'avoir conçue "en dehors de toute influence extérieure", était en fait déjà présente dans Le Monde comme Volonté et comme Représentation. Freud dit s'être consolé de son "peu de culture livresque" en remarquant que bien des lecteurs de Schopenhauer n'ont pas aperçu la portée de cette découverte, et avoue que lui-même serait probablement "passé à côté", s'il avait lu Schopenhauer plus jeune... ce qui ne l'empêche pas de saluer le génie de Schopenhauer, qui "a non seulement affirmé la prédominance des émotions et l'importance suprême de la sexualité, mais encore [...] reconnu le mécanisme du refoulement" (in Esquisse autobiographique).

Il faut voir, en un sens, entre Nietzsche et Schopenhauer, une filiation plus classique : tous deux se disent philosophes et se situent donc explicitement dans la tradition philosophique, ce qui, comme on vient de le suggérer, ne sera pas du tout le cas de Freud (médecin, savant : oui ; philosophe : sûrement pas !). Le "jeune" Nietzsche n'a d'ailleurs pas caché son admiration pour la pensée, mais aussi pour le style de Schopenhauer.

Sur le fond, il y aurait certainement toute une thèse à écrire - si ce n'est déjà fait - sur les rapports entre les deux penseurs. Nietzsche (1844-1900) découvrit Schopenhauer (1788-1860) un peu par hasard, en 1865, alors qu'il était encore étudiant : ce fut une révélation... qui le détourna d'abord de la philologie, et l'amena à la philosophie proprement dite. En quelques mots : Nietzsche admira en Schopenhauer celui qui - à ses yeux le premier - amena la philosophie à s'interroger sur le sens véritable de la volonté de vérité (à travers la distinction majeure entre le monde comme Volonté et le monde comme Représentation), celui, aussi, qui réévalua radicalement le pouvoir de l'art...

Si je dispose d'un peu plus de temps (?), je tâcherai de vous éclairer un peu plus (ici même) sur les rapports Nietzsche / Schopenhauer, et sur la "rupture", à partir de laquelle, Nietzsche, toujours admiratif pourtant, rejette, comme vous l'avez compris, Schopenhauer, pour cheminer par lui-même.

En attendant, vous pourriez vous procurer Le livre du philosophe, notes rédigées par Nietzsche entre 1872 et 1875, probablement en vue d'un ouvrage qui ne vit jamais le jour. Ce petit ouvrage de jeunesse - paru en bilingue chez Aubier-Flammarion, est très révélateur du lien très étroit entre Nietzsche et Schopenhauer.

Encore mille pardons pour ce retard. Avec toutes mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 097

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