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 COURRIER

édition originale 16-03-2003
actualisée le 12-05-2008

C'est grave, docteur ?...
08/10/2008

De Walounette, brillante élève de Terminale L, le 08/10/2008 : « Bonjour,
Je voulais vous remercier de consacrer du temps à ce site, qui nous permet de consacrer joyeusement du temps à nos disserts de philo !
J'y ai trouvé quelques pistes, et c'est beaucoup mieux qu'un plan détaillé à 1€80 sur d'autres sites !!!

Toutefois, quelques passages m'ont laissé "buditative" comme on dit chez nous : les A et les B qui ressemblent à des inconnues (dans une... comment dit-on déjà, équation ?). C'est que je suis en Littéraire, moi, et j'ai tout de même mis 1mn 30 à calculer combien dont 9 et 6 !!!

Encore un petit avis personnel sur votre discipline, bien que je ne la pratique que depuis peu (si tant est qu'on puisse 'pratiquer' la philo !
^^) :

Je trouve cela fort intéressant lorsqu'on pose des questions 'pratiques' qui ont du sens, [peuvent recevoir] une certaine réponse, et peuvent nous servir dans la vie, mais j'ai horreur de la métaphysique. Pour moi c'est "se manger le cerveau" pour essayer de répondre à des questions [...] auxquelles on ne peut pas répondre....... C'est grave, docteur ?

Ensuite, je trouve qu'on nous impose trop les idées, que l'on ne discute pas assez, que l'on ne peut pas exposer nos idées. C'est dommage ; ça enlève beaucoup d'intérêt à la matière... Mais peut-être que ça dépend du prof ???
=P

Enfin [...] pensez-vous réellement qu'un devoir de philo ait une 'valeur', c.-à.-d. qu'il existe un 'bon' et un 'mauvais' devoir ? La notation n'est-elle pas trop aléatoire (selon le correcteur, l'humeur du correcteur, la fatigue du correcteur, la digestion du correcteur, la place dans la pile, l'heure de la correction, etc.) ?

Merci beaucoup et bonne continuation !
»

=> 19/10/08 : Bonjour Walounette. Que des bonnes questions ;-))

...Et d'abord : merci pour votre appréciation. J'avoue ne pas parvenir à m'occuper de ce site autant que je le voudrais, mais j'arrive presque à me consoler en voyant que ce qu'il propose peut être utile à des élèves, et pas seulement les miens.

« [...] les A et les B qui ressemblent à des inconnues (dans une... comment dit-on déjà, équation ?). C'est que je suis en Littéraire, moi, et j'ai tout de même mis 1mn 30 à calculer combien dont 9 et 6 !!! »

...Bah ! 9 et 6, c'est facile comme tout, ça fait, euh... 14 ? Non ? Plus ??? Sérieusement : les A et les B, ce n'est quand même pas une formalisation trop compliquée, même pour vous, chère Walounette, qui êtes en TL !

« Je trouve cela fort intéressant lorsqu'on pose des questions 'pratiques' qui ont du sens, [peuvent recevoir] une certaine réponse, et peuvent nous servir dans la vie, mais j'ai horreur de la métaphysique. Pour moi c'est "se manger le cerveau" pour essayer de répondre à des questions [...] auxquelles on ne peut pas répondre....... C'est grave, docteur ? »

...Non non, ce n'est pas bien grave, et je vous déconseille de vous gaver de médicaments pour si peu ;-)

Mais tout de même : ces questions, que vous appelez pratiques, croyez-vous vraiment qu'elles peuvent recevoir des réponses sérieuses et solides si on ne va pas au fond des choses ? Or, en somme, c'est cela, la métaphysique : une "philosophie première", comme on disait autrefois, c'est-à-dire une philosophie fondatrice. Pour employer une image, tous les jardiniers débutants sont éblouis par les couleurs des fleurs des catalogues des pépiniéristes. Et c'est vrai qu'ils sont magnifiques, tous ces arbutes fleuris, toutes ces roses habilement photographiées en gros plan, toutes ces plantes vivaces, tellement belles qu'on a envie de tout commander et de tout planter. Mais voilà — et les jardiniers endurcis le savent bien — tout ne pousse pas n'importe où, à n'importe quelle exposition, bien sûr, mais surtout dans n'importe quel terrain : c'est que les plantes, toutes ces plantes, ont des racines, et poussent dans l'obscurité de la terre. Est-ce "se manger le cerveau" de s'inquiéter — avant de passer commande — de ce qui se passe sous terre, au niveau des racines ? Je suis sûr que vous commencez à vous endurcir, vous aussi : toute "belle pratique" ne doit-elle pas prendre racine dans une "bonne théorie". La théorie, qui tout en bas et qui nourrit la tige ou le tronc, les feuilles et les fleurs, c'est la métaphysique. Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce célèbre jardinier qu'était Descartes...

« Ensuite, je trouve qu'on nous impose trop les idées, que l'on ne discute pas assez, que l'on ne peut pas exposer nos idées. C'est dommage ; ça enlève beaucoup d'intérêt à la matière... Mais peut-être que ça dépend du prof ??? »

...Aïe ! Nous sommes démasqués ! Oui, en un sens, vous avez raison : il faudrait que les élèves soient vraiment actifs en classe, et puissent davantage disposer d'un temps d'expression, notamment avant le cours proprement dit. Mais d'un autre côté, il faut bien que votre professeur (préféré !) vous donne des outils. Car en fait ce sont bien des outils, et rien d'autre : il ne vient pas vous enseigner ce qu'il faut penser (bien d'autres gens que les professeurs de philosophie s'en occupent, et ils sont déjà bien assez nombreux !). En ce qui me concerne, pour dédramatiser la situation, il m'arrive de dire à mes élèves : "je parle beaucoup mais je ne dis rien", ce qui signifie que ce n'est pas à moi de penser à la place des élèves, et que les idées que j'expose ne sont pas nécessairement les miennes. Mais, parce qu'il y a beaucoup de sagesse chez des penseurs très différents, parfois opposés, et parce que les grands philosophes sont des bâtisseurs de cathédrales d'idées, il est utile de prendre connaissance des matériaux et des outils qu'ils ont utilisés, en prenant surtout bien soin de regarder comment ils se sont servis de ces outils et de ces matériaux. Tout ce travail d'explication prend du temps, parfois beaucoup de temps, car les grandes idées, même simples, et peut-être même surtout les plus simples, demandent un effort pour être envisagées. Enfin, n'oubliez pas que vous êtes dans une classe : avec de la chance, vous êtes une vingtaine, avec moins de chance, une trentaine, voire une quarantaine d'élèves. Or, on le voit sans tarder à l'écrit, tous les élèves n'ont pas les mêmes capacités, tous ne prennent pas plaisir à philosopher. Vous le comprendez mieux, sûrement, si je vous dis que tous n'ont pas le même plaisir à résoudre des... comment dit-on déjà, des équations ? ;-)) Bref, si tous les élèves d'une classe étaient intéressés et brillants, évidemment, le cours serait plus... court, et vous pourriez alors certainement disposer de plus d' « espace » personnel pour vous exprimer. Mais il faut être réaliste, et ces conditions idéales ne sont jamais réunies. Un professeur de philosophie qui ne ferait pas cours du tout, et laisserait les élèves livrés à leur propre parole et à leurs opinions... il me semble qu'il ne ferait pas bien son métier. En faisant preuve de démagogie, il aurait probablement un certain succès, mais serait-il vraiment estimable, et réellement estimé ? Ce qui est raisonnable, me semble-t-il, c'est plutôt le cours magistral avec participation (spontanée ou sollicitée) des élèves. L'équilibre n'est pas du tout facile à tenir, et suppose une confiance réciproque, une amitié que tous s'accordent mutuellement, car, bien sûr, le but n'est pas d' « avoir raison », mais de s'approcher, ensemble, de la vérité. Enfin, pour être complet, il ne faut pas oublier l'écrit ! Vous avez, comment dit-on déjà... des devoirs ? Eh bien, ces devoirs, à l'écrit, ne sont-ils pas une occasion en or de développer une pensée, votre pensée ?

« Enfin [...] pensez-vous réellement qu'un devoir de philo ait une "valeur", c.-à.-d. qu'il existe un 'bon' et un 'mauvais' devoir ? La notation n'est-elle pas trop aléatoire (selon le correcteur, l'humeur du correcteur, la fatigue du correcteur, la digestion du correcteur, la place dans la pile, l'heure de la correction, etc.) ? »

...Si si ! Bien sûr ! La notation est totalement aléatoire ! Chez moi, j'utilise régulièrement un escalier de 20 marches, et je jette le paquet de copies depuis l'étage : les copies qui tombent en bas ont des notes basses, et les copies qui tombent à mes pieds (peu nombreuses en général, il est vrai) obtiennent d'excellentes notes ! Evidemment, si je suis fatigué, les notes sont meilleures, puisque je lance le paquet avec moins de force, tandis que quand je suis énervé, c'est le contraire, et les notes sont catastrophiques !

Sérieusement, vous posez là une question délicate. Ainsi, pour ne rien vous cacher, à l'issue des épreuves du bac, au mois de juin prochain, les correcteurs de votre académie vont se réunir une première fois pour faire le point sur leurs premières impressions après lecture de "copies tests", c'est-à-dire d'un échantillon de ce qui a été produit lors de l'épreuve par les candidats. A ce stade, tous les correcteurs auront donc en main les mêmes copies (plusieurs copies par sujet), et la discussion pourra commencer. Fin juin début juillet, une deuxième réunion aura lieu, et cette fois toutes les copies auront été lues et corrigées. A nouveau, la discussion s'engagera, toujours "sur pièces". Ce que je peux vous dire, c'est que, lors de ces réunions, (1°) nous sommes le plus souvent totalement d'accord sur l'appréciation ; c'est d'ailleurs normal, car, s'il n'y a pas de barême, nous avons tous les mêmes critères d'évaluation. Ainsi, par exemple, il nous est facile de voir si une introduction introduit ou non le sujet, pose ou non un problème, si la copie adopte un plan de développement cohérent ou non, progressif ou non, mobilise des arguments adaptés ou non, des connaissances utiles ou non, fait preuve de logique ou non, est écrite en français ou non (!), etc. (2°) Pour ce qui est de la notation, il faut avouer que les choses sont en effet un peu plus compliquées, et c'est d'ailleurs bien pourquoi ces réunions existent, c'est-à-dire afin de minimiser les écarts de notation. Plusieurs méthodes sont envisageables pour arriver à ce résultat. Par exemple, lors de la réunion n°2, deux copies traitant le même sujet et ayant obtenu la même note sont lues, l'une provenant d'un paquet ayant une moyenne basse, l'autre provenant d'un paquet à moyenne haute. Après lecture, le plus souvent, les autres correcteurs estiment que la note est juste, ce qui, au passage, signifie que les deux paquets étaient très probablement de qualité différente. Si un écart subsiste, il faut trouver une solution, même si ce n'est pas toujours facile, mais nous nous réunissons pour y parvenir.

Il faut ajouter que dans de nombreux lycées, des bacs blancs sont organisés, et qu'à cette occasion il est assez habituel que les professeurs de l'établissement s'échangent leurs paquets de copies. Là encore, les vraies surprises — bonnes ou mauvaise ! — sont assez rares, alors que les correcteurs ne connaissent pas les élèves dont ils corrigent la copie.

Evidemment, on pourra vous raconter que tel élève n'a pas eu plus de 6 de moyenne toute l'année, et qu'il a obtenu 13 le jour de l'examen. Il se peut que ce soit vrai, et ce n'est évidemment pas impossible, cela pour plusieurs raisons ; par exemple, l'élève peut ne pas avoir vraiment "forcé ses talents" tout au long de l'année, alors qu'il avait des capacités. En travaillant davantage les dernières semaines, en choisissant bien son sujet et en se forçant un peu le jour de l'épreuve, il s'en sera finalement bien sorti. Ces différences n'ont rien de bien surprenant, mais il faut bien dire qu'elles sont assez rares, et, bien sûr, comme celui ou celle qui vous raconte l'histoire du candidat qui a obtenu une note correcte alors qu'il n'a pas décollé de 6 pendant l'année ne connaît généralement pas les résultats de la classe, et encore moins les notes de ses camarades au bac, il ou elle ne peut donc pas se rendre compte que cet "exploit" est assez peu fréquent... Bien sûr, l'inverse est vrai aussi : un élève qui a d'assez bons résultats en cours d'année, et qui "flanche" le jour de l'épreuve, parce qu'il n'a pas choisi le "bon" sujet (= celui qui lui aurait très probablement mieux réussi), parce qu'il a perdu du temps, a gâché ses moyens, a paniqué, etc. Mais, là encore, ce genre de surprise est assez rare.

A ces remarques, concernant le baccalauréat, il faudrait, pour finir, ajouter que l'examen tend à augmenter les écarts : un élève faible (pour une raison ou pour une autre, peu importe ici) risque fort d'avoir une note très faible, et inversement, on voit souvent de bons élèves (disons 13 ou 14 de moyenne sur l'année, ce qui est très honorable) obtenir des notes "plafond" : 17 ou 18, voire plus ! En clair : l'échelle de notation est plus "ouverte" à l'examen. Ainsi, il n'est pas rare qu'un correcteur note entre 2 et 18 au baccalauréat, alors qu'en cours d'année, l'écart sur un paquet de copies est plus resserré, par exemple entre 5 et 15. Je vous laisse en méditer les raisons (elles sont multiples, bien sûr...).

Pour votre gouverne, rappelez-vous surtout de ceci : il existe des critères de notation, pour l'explication de texte comme pour la dissertation. Pour mettre toutes les chances de votre côté, il est impératif de bien les connaître, et, bien sûr, de vous entraîner à les respecter. Par exemple, vous serez sanctionnée si vous tournez en rond dans votre développement, car le développement doit être progressif, et la deuxième partie de votre plan ne doit donc pas se contenter d'être le négatif de votre première partie. De même, votre introduction doit clairement mettre au jour un problème, sinon, à quoi bon réfléchir, à quoi bon le développement ? De même encore une explication qui n'explique rien, pas même l'ordre du texte, n'est pas une explication... Mais vous avez certainement déjà découvert tout cela chez Philia, dans la partie Démarches (vous savez, là où se trouvent des... comment dit-on déjà ? équations !).

Voilà, bien chère Walounette (quel drôle de nom tout de même !), quelques lumières sur notre cher métier, et votre triste sort l'égalité des chances à laquelle vous avez droit.

N'oubliez pas de donner de vos nouvelles. D'ici là, bonne continuation à vous aussi, et recevez toutes mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

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