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édition originale 16-03-2003
actualisée le 12-05-2008

Pouvoir politique et liberté[s] du citoyen (texte de Hobbes)...
18/03/2007

De Styner le 18/03/2007 : "Besoin d'aide pour un commentaire de texte de Hobbes :

On objectera peut-être ici que la condition des citoyens est misérable, exposés qu'ils sont à la concupiscence et aux autres passions sans règle de celui ou de ceux qui ont en main un [...] pouvoir illimité [...]. Mais les gens ne tiennent pas compte de ce que la condition de l'homme ne peut jamais être exempte de toute espèce d'incommodité ; et de ce que les plus grandes incommodités dont on peut imaginer affligé l'ensemble du peuple, sous quelque forme de gouvernement que ce soit, sont à peine sensibles au regard des misères et des calamités affreuses qui accompagnent soit une guerre civile, soit l'état inorganisé d'une humanité sans maîtres, qui ignore la sujétion des lois et le pouvoir coercitif capable d'arrêter le bras qui s'apprêtait à la rapine ou à la vengeance. Ils ne tiennent pas compte non plus de ce que, lorsque ceux qui les gouvernent souverainement leur imposent les fardeaux les plus lourds, cela ne procède pas de l'attente d'un plaisir ou d'un avantage quelconque que pourrait leur valoir le préjudice ou l'affaiblissement de leurs sujets, dont la vigueur est le fondement de leur force et de leur gloire, mais du caractère rétif des gouvernés eux-mêmes, et de la mauvaise grâce qu'ils apportent à contribuer à leur propre défense, obligeant ainsi leurs gouvernants à leur soutirer ce qu'ils peuvent en temps de paix, afin d'avoir les moyens de résister ou de l'emporter sur leurs ennemis, en cas d'occasion imprévue ou de besoin soudain.

Me donner un peu d'aide — rien que pour comprendre la thèse du texte — m'avancerait beaucoup... Je pense qu'ici Hobbes veut montrer que le pouvoir absolu est nécessaire pour la sécurité du peuple bien que ce dernier soit oppressé de toutes parts... Merci d'avance."

=> 30/03/07 : Bonjour Styner. Votre formulation de la thèse est un peu abrupte — mais néanmoins parfaitement exacte. L'objectif du texte est en effet claire dès la première ligne : affirmer la nécessité d'un pouvoir politique fort. Toutefois, comme votre message le suggère aussi, une telle affirmation ne va pas sans susciter de réactions — celle des « démocrates » de tout poil, qui estiment qu'un pouvoir fort entraîne nécessairement une confiscation de la liberté des personnes assujetties aux lois édictées par "ceux qui ont en main un [...] pouvoir illimité", c'est-à-dire par les gens qui tiennent les rênes du pouvoir.

Hobbes répond à cette objection, qu'on oppose si fréquemment à l'idée d'un pouvoir fort, en utilisant deux arguments :

  1. Cette confiscation, qui apparaît si scandaleuse au premier abord aux citoyens avides de "liberté", n'est rien "au regard des misères et des calamités affreuses qui accompagnent soit une guerre civile, soit l'état inorganisé d'une humanité sans maîtres". Il faut savoir ce que l'on veut, et, pour cela, savoir établir des priorités. Or, aux yeux de Hobbes, mieux vaut cette contrainte — parfois pesante il est vrai (du moins est-elle ressentie comme telle) — plutôt que l'anarchie, qui n'est pas le joyeux désordre qu'on imagine, mais, en réalité, l'état social le plus favorable à la "guerre de tous contre tous", et à la domination injustifiable d'une minorité (= les plus "forts") : la République ne peut subsister sans un ordre (= un Etat) fort, puisque, sans force, c'est la cité qui se perd elle-même, et les citoyens avec elle.

  2. Les "gouvernés" devraient aussi considérer que "ceux qui les gouvernent souverainement leur imposent les fardeaux les plus lourds", non pas, comme on le croit souvent, dans "l'attente d'un plaisir ou d'un avantage quelconque que pourrait leur valoir le préjudice ou l'affaiblissement de leurs sujets [...]", mais par la considération réaliste "du caractère rétif des gouvernés eux-mêmes, et de la mauvaise grâce qu'ils apportent à contribuer à leur propre défense [...]". Ils devraient donc être rassurés, en considérant que le pouvoir des gouvernants, loin d'être "illimité", dépend de la "vigueur" des citoyens, qui est le véritable "fondement" de la "force" et de la "gloire" de ceux qui les gouvernent : le pouvoir des citoyens est donc bien plus grand qu'ils ne pensent, puisque, paradoxalement, ce fameux pouvoir des gouvernants dépend de leur opinion ! Ce qu'ils devraient craindre, en effet, c'est moins d'être "exposés [...] à la concupiscence et aux autres passions sans règle" de ceux qui les gouvernent, que bien plutôt leur propre défiance à l'égard de l'ordre nécessaire à la cité : le pire ennemi du peuple, ce n'est donc non pas le prince (= le souverain = celui ou ceux qui gouvernent), mais le peuple lui-même ! Aussi est-ce à cause de cette défiance, et par la connaissance qu'ils en ont, que les gouvernants soutirent aux citoyens gouvernés "ce qu'ils peuvent en temps de paix afin d'avoir les moyens de résister ou de l'emporter sur leurs ennemis, en cas d'occasion imprévue ou de besoin soudain" : gouverner c'est prévoir, et puisque — selon la célèbre expression de Hobbes — "l'homme est un loup pour l'homme" (aussi bien à l'intérieur de la cité que dans la compétition qui oppose les cités rivales), il faut savoir, pour exercer à bon escient le pouvoir et le conserver autant qu'il se peut, parer à toute violence à venir, user de contrainte dans les temps les plus favorables, afin que la cité ne soit pas prise au dépourvu dans les temps les plus défavorables : en d'autres termes, si les gouvernants doivent exercer un pouvoir fort, ce n'est pas foncièrement dans leur intérêt propre, mais dans l'intérêt de la République, fondement de la sûreté indispensable à la paix et à la liberté, et, s'ils sont avisés, parce qu'ils comprennent qu'il leur faut exercer leur pouvoir autant qu'il le peuvent pendant qu'il en est (encore) temps.

En résumé, les ennemis de la paix et de la liberté ne sont pas ceux qu'on croit : ceux qui menacent la paix et la liberté, ce ne sont pas les "méchants" gouvernants, qui détiennent le pouvoir et en abusent, mais les gouvernés, qui n'écoutent que leur intérêt propre et immédiat, et ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, croyant (1°) que la liberté se confond avec la licence — alors que la vraie liberté n'est possible que par la sécurité publique établie par les lois, et (2°) qu'il suffit de "gérer" les affaires courantes sans rien prévoir ni imposer aucun plan — alors que gouverner justement, c'est prévoir, et imposer des contraintes dans l'intérêt des administrés.

Je suis perduadé que vous trouverez comment formuler le problème posé par cette relation apparemment difficile entre l'ordre contraignant des lois et la paix entendue comme condition nécessaire de la liberté. Il est toutefois à noter que cet extrait ne dit pas tout... en particulier, que si Hobbes préconise un pouvoir fort en matière de sécurité, il n'en est n'est pas moins à ranger parmi les libéraux (au sens politique du terme) : en effet, selon cet auteur (et contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là concernant sont "absolutisme"), le rôle de l'Etat n'est pas de tout régenter de façon totalitaire, puisqu'il admet que les citoyens ont des droits, c'est-à-dire des libertés, sur lesquels l'Etat n'a aucun droit de regard, du moment que leur exercice ne menacent pas la paix civile et la liberté commune.

Bon courage pour la suite.

En espérant qu'en dépit de ce vilain retard, vous accepterez de recevoir toutes mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 118

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