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MOSCOVICI

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nature / culture - humanité - homme - individu / société - animalité - animal - sauvage - langage - pensée - instinct - domination -
  Mots clés :
Moteur actif Cléphi  
Sujet :
Nous étions heureux : il y avait d'un côté l'animal et la nature, de l'autre côté l'homme et la société. Le passage du premier couple au second a été la grande affaire de l'anthropologie sociale et physique. Depuis une dizaine d'années, les informations affluent d'un peu partout, recensées et analysées avec beaucoup de soin par les chercheurs. Elles prouvent que les êtres non humains sont outillés pour accomplir des tâches que l'on s'imaginait être exclusivement humaines, notamment apprendre et inventer. Les primates, les dauphins, les oiseaux fournissent des exemples incontestables. Contrairement au stéréotype d'une maturation biologique individuelle, les animaux isolés, pas plus que les enfants sauvages, n'ont un développement normal : la relation avec la mère et les congénères est capitale.
      Les sociologues philanthropes du siècle dernier étaient fiers de démontrer, par l'exemple de l'enfant-loup, que l'être humain coupé de la société n'est qu'un animal, privé de langage et de pensée. Des expériences concluantes montrent qu'il en va de même pour bien des espèces. Faute de vivre avec sa mère, avec son groupe [...] l'individu rechute dans son animalité comme l'homme était censé rechuter dans la sienne. Bien plus, la plupart des espèces se donnent une organisation collective destinée à régler la reproduction sexuelle, la transmission de quelques caractères spécifiques, ou à atténuer les déséquilibres avec le milieu habituel.
      La coupure effective de la société vis-à-vis de la nature est une illusion. Un fait me frappe, à ce propos. Toutes les fois que l'on est allé regarder de plus près ces "natures", on découvert une société. Il en a été ainsi de la "horde" primitive, qui représentait au XIXe siècle la société, l'économie "naturelle" ; il en est ainsi de nos jours des "hordes" animales. Les tentatives successives de couper, sous cet angle, la société de la nature, ou de poser la nature vis-à-vis de la société comme un état antérieur ou comme son double hétérogène, ont toujours échoué et abouti à la découverte d'une société différente, d'une organisation sociale, celle du sauvage, celle de l'animal. Alors pourquoi cette séparation est-elle maintenue, sinon comme réalité, du moins comme hypothèse, ainsi que le suggérait Hume ? Je vois à cela deux raisons : définir l'autre comme objet, conserver le primat de l'individu. D'une part, pour une collectivité particulière, ceci revient à justifier la soumission, l'exclusion, voire la destruction d'une collectivité différente...
      Si sa place est bien tracée dans notre logique, c'est parce qu'il s'agit d'une logique de la domination. D'autre part, aux yeux des savants, la séparation permet de concevoir la société comme une réalité seconde, dérivée, propre à pallier la rareté et les déficiences de la nature, ou à canaliser son énergie débordante à travers les pulsions et les instincts. On s'en tient toujours à cette vue. Pourtant, il convient de prendre les découvertes éthologiques au sérieux et à la lettre... Dans cette optique, soustraite aux sortilèges d'une séparation hypothétique, la société apparaît comme une réalité positive et primaire, analogue à la matière, à l'atome.

MOSCOVICI
Pour une anthropologie fondamentale, éd. du Seuil, coll. Points, pp. 293-294, 296
"Quelle unité : avec la nature ou contre ?"



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