Je demande au théiste s'il n'y a pas entre
l'âme humaine et
l'âme divine une différence grande et incommensurable, parce qu'elle est incompréhensible. Plus il aura de zèle et de piété, plus il sera porté pour l'affirmative et plus il sera disposé à relever cette différence. Il assurera même que cette différence est d'une nature qu'on ne saurait relever par trop d'éloges. Je me tourne ensuite vers l'athée, qui, selon moi, ne peut l'être que de nom, mais jamais réellement ; et je lui demande si, d'après la cohérence et l'harmonie qui éclatent dans toutes les parties du monde, il n'y a pas un certain degré d'analogie entre toutes les opérations de la nature, dans toutes les situations et dans tous les siècles, et si la corruption d'un navet, la génération d'un animal et la structure de la pensée humaine ne sont pas des énergies qui ont probablement quelque analogie éloignée l'une avec l'autre. Il est impossible qu'il nie cela : il s'empressera même de l'avouer. Après avoir obtenu cet avantage, je le pousse encore plus loin dans son retranchement; je lui demande s'il n'est pas probable que le principe qui le premier arrange et conserve encore maintenant l'ordre dans l'univers, n'a pas aussi quelque analogie éloignée et incompréhensible avec les autres opérations de la nature et, entre autres, avec l'économie de l'âme humaine et de la pensée. Quoique à regret, il n'en sera pas moins obligé de m'accorder cette proposition. Quel est donc, dirai-je à ces deux antagonistes, le sujet de votre dispute? Le théiste accorde que l'intelligence originelle est très différente de la raison humaine ; l'athée accorde que le principe d'ordre originel présente avec elle quelque lointaine analogie. Voulez-vous, Messieurs, contester sur le plus ou le moins, et vous engager dans une dispute dont le sujet ne renferme rien de précis et par conséquent aucun sens déterminé ?
HUME
Dialogues sur la religion naturelle, tr. fr. anonyme, éd. Hatier, pp. 147-148