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La défiance générale prouve que les hommes se savent naturellement ennemis


 

Il peut sembler étrange, à celui qui n'a pas bien pesé ces choses , que la nature puisse ainsi dissocier les hommes et les rendre enclins à s'attaquer et à se détruire les uns les autres : c'est pourquoi peut-être, incrédule à l'égard de cette inférence tirée des passions, cet homme désirera la voir confirmée par l'expérience. Aussi, faisant un retour sur lui-même, alors que partant en voyage, il s'arme et cherche à être bien accompagné, qu'allant se coucher, il verrouille ses portes ; que, dans sa maison même, il ferme ses coffres à clef ; et tout cela sachant qu'il existe des lois, et des fonctionnaires publics armés, pour venger tous les torts qui peuvent lui être faits : qu'il se demande quelle opinion il a de ses compatriotes, quand il voyage armé ; de ses concitoyens, quand il verrouille ses portes ; de ses enfants et de ses domestiques, quand il ferme ses coffres à clef. N'incrimine-t-il pas l'humanité par ses actes autant que je le fais par mes paroles ? Mais ni lui ni moi n'incriminons la nature humaine en cela. Les désirs et les autres passions de l'homme ne sont pas en eux-mêmes des péchés. Pas davantage ne le sont les actions qui procèdent de ces passions, tant que les hommes ne connaissent pas de loi qui les interdise ; et ils ne peuvent pas connaître de lois tant qu'il n'en a pas été fait ; or, aucune loi ne peut être faite tant que les hommes ne se sont pas entendus sur la personne qui doit les faire.

HOBBES
Léviathan, I, Chap. XIII


 Notes