Chargement en cours . . . 
page précédente...
dossiers, lexiques, textes, ...
la dissertation, le commentaire...
mises à jour, projets...
moteurs de recherche...
Philia [accueil]
TEXTE

télécharger / imprimer la page...

la copie de
HEGEL

lire une notice sur cet auteur...
art - oeuvre - imitation - reproduction - image - ressemblance - illusion - tromperie - réalité / apparence - réel - vérité - matière / esprit - Dieu - nature - peinture - sculpture - plaisir esthétique - création - habileté - technique - Kant -
  Mots clés :
Moteur actif Cléphi  
Sujet :

Quel but l'homme poursuit-il en imitant la nature ? Celui de s'éprouver lui-même, de montrer son habileté et de se réjouir d'avoir fabriqué quelque chose ayant une apparence naturelle. [...] Mais cette joie et cette admiratiion de soi-même ne tardent pas à tourner en ennui et mécontentement, et cela d'autant plus vite et plus facilement que l'imitation reproduit plus fidèlement le modèle naturel. Il y a des portraits dont on dit assez spirituellement qu'ils sont ressemblants jusqu'à la nausée. D'une façon générale, la joie que procure une imitation réussie ne peut être qu'une joie très relative, car dans l'imitation de la nature, le contenu, la matière sont des données qu'on n'a que la peine d'utiliser. L'homme devrait éprouver une joie plus grande en produisant quelque chose qui soit bien de lui, quelque chose qui lui soit particulier et dont il puisse dire qu'il est sien. Tout outil technique, un navire par exemple ou, plus particulièrement, un instrument scientifique doit lui procurer plus de joie, parce que c'est sa propre oeuvre, et non une imitation. Le plus mauvais outil technique a plus de valeur à ses yeux ; il peut être fier d'avoir inventé le marteau, le clou, parce que ce sont des inventions originales, et non imitées. L'homme montre mieux son habileté dans des productions surgissant de l'esprit qu'en imitant la nature. Il peut toutefois entrer en lutte avec la nature. C'est à cela qu'on pense quand on dit que les productions de la nature sont supérieures à celles de l'esprit. On dit en effet que ce sont des oeuvres divines. Mais Dieu est Esprit, et se laisse mieux reconnaître dans l'Esprit que dans la Nature. En entrant en rivalité avec la Nature, on se livre à un artifice sans valeur. Un homme s'étant vanté de pouvoir lancer des lentilles à travers un petit orifice, Alexandre, devant lequel il exécuta son tour de force, lui fit offrir quelques boisseaux de lentilles ; et avec raison, car cet homme avait acquis une adresse non seulement inutile, mais dépourvue de toute signification. On peut en dire autant de toute adresse dont on fait preuve dans l'imitation de la nature. C'est ainsi que Zeuxis peignait des raisins qui avaient une apparence tellement naturelle que les pigeons s'y trompaient et venaient les picorer, et Praxeas peignit un rideau qui trompa un homme, le peintre lui-même. On connaît plus d'une de ces histoires d'illusions créées par l'art. [...]
      On peut dire d'une façon générale qu'en voulant rivaliser avec la nature par l'imitation, l'art restera toujours au-dessous de la nature et pourra être comparé à un ver faisant des efforts pour égaler un éléphant. Il y a des hommes qui savent imiter les trilles du rossignol, et Kant a dit à ce propos que, dès que nous nous apercevons que c'est un homme qui chante ainsi, et non un rossignol, nous trouvons ce chant insipide. Nous y voyons un simple artifice, non une libre production de la nature ou une oeuvre d'art. Le chant du rossignol nous réjouit naturellement, parce que nous entendons un animal, dans son inconscience naturelle, émettre des sons qui ressemblent à l'expression de sentiments humains. Ce qui nous réjouit donc ici c'est l'imitation de l'humain par la nature.

HEGEL
Esthétique, Introduction : Chap. I, Section II, §. 1
tr. fr. S. Jankélévitch, éd. Champs Flammarion, pp. 35-37



Moteur actif : Cléphi

changer le moteur =>  Cléphi  | Zoom | X-Recherche | aide

 remonter