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"Les autres", en se substituant à autrui, me dépersonnalisent


 

En se préoccupant de ce qu'on a entrepris avec, pour ou contre les autres, on s'inspire constamment du souci de se distinguer d'avec ces autres. Soit que l'on s'efforce seulement d'effacer toute différence avec eux ; soit que l'être-là, se sentant inférieur, cherche dans ses rapports avec eux à les égaler ; soit encore que l'être-là , se plaçant au-dessus des autres, cherche à maintenir ceux-ci au-dessous de lui. La coexistence — bien qu'elle se le dissimule — s'inquiète et se soucie de cette distance. Ce qu'on peut exprimer existentialement en disant que l'être-en-commun existe sous le signe du distancement . Plus ce mode d'être passe inaperçu de l'être-là quotidien, plus profondément et plus tenacement il agit sur lui.
      Le distancement caractéristique de l'être-avec-autrui implique que l'être-là se trouve dans son être-en-commun quotidien sous l'emprise d'autrui . Il n'est pas lui-même, les autres l'ont déchargé de son être. Les possibilités d'être quotidiennes de l'être-là sont à la discrétion d'autrui. Autrui, en ce cas, n'est pas quelqu'un de déterminé. N'importe qui, au contraire, peut le représenter. Seule importe cette domination subreptice d'autrui, à laquelle l'être-là, dans son être-avec-autrui, s'est déjà soumis. Soi-même, on appartient à autrui et l'on renforce son empire. "Les autres", que l'on nomme ainsi pour dissimuler le fait que l'on est essentiellement l'un d'eux, sont ceux qui, dans l'existence commune quotidienne, se trouvent "être là" de prime abord et le plus souvent.

HEIDEGGER
L'Etre et le Temps, tr. fr. Boehms & Waelhens, I:1, §. 27,
éd. Gallimard, pp. 158-159


 Notes