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Le mythe fonde le sens "vrai" de toute chose


 

Le mythe est [...] l'histoire de ce qui s'est passé in illo tempore, le récit de ce que les dieux ou les êtres divins ont fait au commencement du Temps. "Dire" un mythe, c'est proclamer ce qui s'est passé ab origine. Une fois "dit", c'est-à-dire révélé, le mythe devient vérité apodictique : il fonde la vérité absolue. "C'est ainsi parce qu'il est dit que c'est ainsi", déclarent les Eskimos Netsilik pour justifier le bien-fondé de leur histoire sacrée et de leurs traditions religieuses. Le mythe proclame l'apparition d'une nouvelle "situation" cosmique ou d'un événement primordial. C'est donc toujours le récit d'une "création" : on raconte comment quelque chose a été effectué, a commencé d'être. Voilà pourquoi le mythe est solidaire de l'ontologie : il ne parle que des réalités, de ce qui est arrivé réellement, de ce qui s'est pleinement manifesté.
     Il s'agit évidemment des réalités sacrées, car c'est le sacré qui est le réel par excellence. Rien de ce qui appartient à la sphère du profane ne participe à l'Etre, puisque le profane n'a pas été fondé ontologiquement par le mythe, il n'a pas de modèle exemplaire. Comme nous le verrons plus bas, le travail agricole est un rite révélé par des dieux ou par les Héros civilisateurs. Aussi constitue-t-il un acte à la fois réel et significatif. Comparons-le avec le travail agricole dans une société désacralisée : ici, il est devenu un acte profane, justifié uniquement par le profit économique. On laboure la terre pour l'exploiter, on poursuit la nourriture et le gain. Vidé de symbolisme religieux, le travail agricole devient à la fois opaque et exténuant : il ne révèle aucune signification.

Mircéa ELIADE
Le Sacré et le Profane, éd. Gallimard, coll. folio essais, p. 85