Il y a une science qui étudie l'Etre en tant qu'être et les attributs
qui lui appartiennent essentiellement. Elle ne se confond avec aucune autre des sciences dites particulières car aucune de ces autres sciences ne considère en général l'Etre en tant qu'être
, mais, découpant une certaine partie de l'Etre, c'est seulement de cette partie qu'elles étudient l'attribut : tel est le cas des sciences mathématiques. Et, puisque nous recherchons les principes premiers et les causes les plus élevées, il est évident qu'il existe nécessairement quelque réalité à laquelle ces principes et ces causes appartiennent, en vertu de sa nature propre. Si donc ceux qui cherchaient les éléments des êtres
cherchaient en fait les principes absolument premiers, ces éléments qu'ils cherchaient étaient nécessairement aussi les éléments de l'Etre en tant qu'être, et non l'Être par accident. C'est pourquoi nous devons, nous aussi, appréhender les causes premières de l'Etre en tant qu'être.
ARISTOTE
Métaphysique, Livre Γ, éd. Vrin, tome I, pp. 171-175
Notes
- Les attributs :
Ces attributs essentiels sont l'identité, la contrariété, l'altérité, le genre et l'espèce, le tout et la partie, ... - L'Etre en tant qu'être :
L'Etre dont il est question — avec une majuscule — n'est donc pas un être particulier, même abstrait (comme l'un de ceux que les mathématiques ont pour objet), mais l'absolu, universel fondement de toute chose, « Dieu ». - Ceux qui cherchaient les éléments des êtres :
Allusion aux physiologues présocratiques (Thalès, Anaximène, Anaximandre, Héraclite...) qui tentèrent d'expliquer la nature en invoquant un « élément » (l'eau, l'air, le feu...). Ils se trompaient, pense Aristote, dans la mesure où ils confondaient métaphysique et physique. En effet, les principes de la nature (en grec : physis) ne peuvent résider dans une partie de la nature. Pour Aristote donc, la métaphysique (du grec meta, « au-delà ») doit prendre la forme d'une ontologie (du grec on, ontos, « l'Etre »).