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La nature humaine, si elle existe, est inconnaissable


 

Le problème de la nature humaine, problème augustinien (quaestio mihi factus sum, « je suis devenu question pour moi-même »), paraît insoluble aussi bien au sens psychologique individuel qu'au sens philosophique général. Il est fort peu probable que, pouvant connaître, déterminer, définir la nature de tous les objets qui nous entourent et qui ne sont pas nous, nous soyons jamais capables d'en faire autant pour nous-mêmes : ce serait sauter par-dessus notre ombre. De plus, rien ne nous autorise à supposer que l'homme ait une nature ou une essence comme en ont les autres objets. En d'autres termes, si nous avons une nature, une essence, seul un dieu pourrait la connaître et la définir, et il faudrait d'abord qu'il puisse parler du « qui » comme d'un « quoi ». Notre perplexité vient de ce que les modes de connaissance applicables aux objets pourvus de qualités « naturelles », y compris nous-mêmes dans la mesure restreinte où nous sommes des spécimens de l'espèce la plus évoluée de la vie organique, ne nous servent plus à rien lorsque nous posons la question : qui sommes-nous ?

Hannah ARENDT
Condition de l'homme moderne, Chap. I
éd. Calman-Lévy, coll. Presse Pocket, pp. 45-46


 Notes