Lexique PHILIA

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Le mot nation est formé sur le latin natus, « né » (de nasci, « naître »). La nation a en effet d'abord désigné une communauté humaine identifiée dans des limites territoriales déterminées, et dont l'origine ethnique était supposée uniforme.

 Discussion Cependant, la notion d'ethnie manque tout à fait de clarté : peut-elle vraiment, en effet, comme on a pu le penser et comme on le croit encore parfois, désigner un groupe biologiquement homogène (« race ») ? Ainsi, pour prendre un exemple, une résolution de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe concède que « la question de l'origine exacte des Kurdes reste une énigme », mais poursuit en déclarant que, « aux fins de la présente résolution, les Kurdes sont considérés comme un groupe ethnique de langue maternelle kurde [...] » (Résolution 1519 du 4 octobre 2006). Il y aurait donc une « ethnie » kurde, et son nombre serait estimé à 25 ou 30 (ou même 40) millions d'individus, mais son « origine » (ethnique !?) serait mystérieuse. « La vérité, disant E. Renan, est qu'il n'y a pas de race pure et que faire reposer la politique sur l'analyse ethnographique, c'est la faire porter sur une chimère » (E. Renan, Qu'est-ce qu'une nation ?). Il faudrait donc voir plutôt dans la langue que dans l'homogénéité génétique ce qui constitue l'unité de l'ethnie kurde. Cependant, si cette langue « qui fait partie de la subdivision nord-ouest de la branche iranienne de la famille des langues indo-européennes [...] est une langue fondamentalement différente de l'arabe (une langue sémitique) et du turc (une langue altaïque), le kurde moderne comprend plusieurs grands groupes, dont le plus important est celui du kurmandji. Il s'y ajoute des dizaines de parlers ». Faute d'unification historique, l' « ethnie » kurde parle donc une langue qui comprend de nombreuses variantes (dialectes), et, du fait de l'extension du Kurdistan sur plusieurs territoires constitués en Etats (Irak, Iran, Syrie, Turquie), trois alphabets différents sont utilisés à l'écrit (latin, cyrillique, arabe). Et la culture kurde est elle-même très diverse...

Quoi qu'il en soit, dans son acception moderne, la nation est loin de se réduire à la dimension ethnique des individus qui la composent. La nation moderne est en effet une entité essentiellement historique et politique. Historique, car ce qui fait, disait Renan, l'originalité et la force des nations modernes, « c'est la fusion des populations qui les composent », de sorte que « la nation moderne est [...] un résultat historique amené par une série de faits convergeant dans le même sens » (op. cit.). Politique, car, comme le précise la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, la nation est « le principe de toute souveraineté ».

Un peuple est un groupe local assez vaste et relativement homogène chez lequel s'est développée la conscience d'appartenir à une même entité communautaire. Un peuple peut se constituer en nation sur lequel peut s'exercer l'autorité souveraine d'un Etat. Mais peu d'Etats se sont constitués complètement sur ce modèle des Etats-nations : de nombreuses nations réunissent plusieurs peuples, et un même peuple peut se trouver politiquement fragmenter et appartenir à des nations différentes.