– Donc je vous écoute : comment comprendre ce sujet I, et comment traiter ce sujet II ?
– Vous voulez dire quelles sont les techniques ?
– Oui. C'est exactement ça : comment faut-il faire ?
– Evidemment, vous allez penser que c'est une déformation professionnelle, mais qu'entendez-vous par « technique » ?
– Alors là ! Vous êtes vraiment très fort ! Je vous demande des conseils, et vous me répondez par une question !
– Ce n'est pas tout à fait le cas : je cherche seulement à savoir ce que vous attendez, car je ne voudrais pas vous décevoir... et je ne voudrais pas non plus vous laisser penser que c'est facile comme tout ! Si je vous pose cette question, c'est donc dans votre intérêt...
– Que voulez-vous dire ?
– Ah ! Vous voyez : vous aussi vous posez des questions.
– Oui, bon...
– Sérieusement : ce que je veux dire, c'est que vous vous attendez peut-être à des astuces, à des 'trucs'...
– Oui, dans un sens oui : si ce n'est pas un art, il y a peut-être des techniques.
– Donc pour vous, une méthode c'est seulement une technique, et même une recette.
– ...Je crois que je commence à comprendre.
– Quoi donc au juste ?
– Que les méthodes ne sont pas des recettes.
– Et vous avez raison.
– Aïïïe ! mais alors ça va être très très compliqué !!
– Pas tant que vous croyez. D'ailleurs, il me semble que vous saisissez déjà que le plus important est de comprendre ce qu'il faut faire, plutôt que comment le faire.
– Je ne suis peut-être pas si intelligent que vous croyez, car j'aurais besoin que vous me disiez tout cela autrement, plus simplement...
– Eh bien, par exemple, vous pouvez vous demander s'il faut absolument citer des auteurs dans une dissertation.
– En effet. Voilà une question pratique qui va se poser : c'est inévitable.
– Mais croyez-vous vraiment que les bonnes dissertations soient exclusivement celles qui sont truffées de citations ?
– Peut-être, oui... enfin à vrai dire je ne sais pas.
– Voyons : une citation sans rapport avec les propos, une citation qui tombe « comme des cheveux sur la soupe », direz-vous que c'est bien ?
– Evidemment non : si c'est inadapté...
– Tout juste. Et si quelqu'un écrit : « c'est vrai puisque Platon l'a dit », serez-vous satisfait ?
– Non. Non plus, bien sûr : c'est un peu comme si on pensait par procuration !
– Donc la question n'est pas de savoir s'il faut citer ou pas, mais de comprendre ce qui est exigible dans une dissertation. Ainsi, tout en reconnaissant que la question de savoir comment faire n'est pas secondaire, on peut dire qu'elle ne vient qu'en second, après celle-ci : que faut-il chercher à faire ?
– J'ai compris, cette fois.
– Donc on peut parler aussi longtemps qu'on veut des "techniques de citation", ou des "techniques de l'explication" (pour le commentaire), ou de toutes les techniques qu'on voudra, mais ce ne sera jamais l'essentiel.
– Bien compris : ça ne servira à rien tant qu'on n'aura pas compris ce qu'est une dissertation. Ma question était naïve, je le reconnais, mais alors des conseils généraux devraient faire l'affaire...
– ... J'ai bien peur que ce ne soit pas non plus la solution : par exemple, dans les manuels de philo, dans les annales, on conseille systématiquement aux élèves de "poser un problème dans l'introduction".
– Et il ne faut pas ?
– Si ! Bien sûr ! C'est même essentiel... Mais tant que l'élève n'a pas compris ce qu'est un problème philosophique, le conseil restera lettre morte. Par exemple, il évoquera dans sa copie « le problème » en le confondant avec le sujet lui-même... ce qui ne trompera sûrement pas son correcteur ! Il aura donc bien enregistré le "conseil de méthode", mais mécaniquement seulement, sans le comprendre, c'est-à-dire, en l'occurrence, sans comprendre pourquoi il faut poser un problème, sans comprendre ce qu'il convient d'appeler ainsi, et il lui sera donc à peu près impossible de saisir comment mettre en oeuvre cette exigence. Du coup, l'introduction sera ratée...
– ...Donc une méthode, cela n'a pas de sens si on n'a pas compris l'objectif, le but à atteindre. Est-ce bien cela ?
– Exactement. Je suis sûr, maintenant, que vous avez compris. Appliquons cela au commentaire de texte : on dit que "le texte doit être expliqué en détail". A votre avis, que faut-il se demander avant de suivre ce bon conseil ? Que faut-il savoir ?
– Ce que veut dire « expliquer » ! Ce que c'est qu'une bonne explication !
– Tout juste. Et, bien sûr, le reste est à l'avenant : "pourquoi faire un plan ?" est une question bien plus essentielle que "comment faire un plan ?"...
– ...On est loin d'avoir fini avant de pouvoir commencer, si vous me passez l'expression ! et je dois donc prendre mon mal en patience...
– Ce n'est pas un mal, je vous assure : le jeu en vaut la chandelle !
– Je veux bien vous croire.
– Et vous pourriez même y prendre un certain plaisir !
– Dans ce cas, je suis partant ! Allons-y !

– Goooo !