Chargement en cours . . . 

Demarches PHILIA

 Philia [accueil]...    imprimer ce document...   fermer cette fenêtre...

introduire un sujet de dissertation - un exemple -


 

l'introduction
    (méthode)

Identifier le problème

Comment préparer et rédiger l'introduction de la dissertation ?
Pour bien comprendre cette page, il indispensable d'avoir lu la fiche suivante :
Qu'est-ce qu'un problème philosophique ?
Il est utile aussi d'avoir parcouru les fiches concernant l'analyse du sujet :
ANALYSER LE SUJET - I : l'analyse littérale
ANALYSER LE SUJET - II : l'analyse critique
ANALYSER LE SUJET - III : les sujets ouverts »

 
Voici le (beau) sujet qu'il s'agit d'introduire :

La liberté peut-elle être un fardeau ?

       X                   ( d )                                    Y


Eclaircissements utiles :

La question, qui porte sur la liberté (=X), demande (= d ) si elle peut être un fardeau (=Y).

Ce n'est pas une question banale, car un fardeau, c'est quelque chose de pesant, et donc de pénible à porter. Or qui dirait cela spontanément de la liberté ? La liberté n'est-elle pas, au contraire, "la légèreté-même" ? Comment la liberté pourrait-elle nous peser ? Etre libre, en effet, c'est pouvoir, et donc c'est affirmer son existence. Et c'est lorsque notre liberté est limitée que quelque chose pèse sur nous : c'est donc bien plutôt le manque de liberté qui paraît pesant. Plus précisément, on dit que notre liberté est limitée par des déterminations qui pèsent sur elle : déterminismes biologiques, psychologiques, sociaux... Comment la liberté pourrait-elle être elle-même un fardeau ? Car il ne faut pas se tromper de sujet : en effet, la question n'est pas de savoir ce qui peut peser sur notre liberté, quel poids pèse sur elle, mais au contraire, en quel sens la liberté (=X) peut être elle-même pesante, et en quel sens nous pouvons donc souhaiter nous en débarrasser.

Pour comprendre le sujet, il faut revenir sur le concept de liberté, et affirmer qu'elle est avant tout pouvoir de choisir, mais aussi que tout choix implique un engagement. Je suis donc libre si je peux choisir ; mais par ce choix j'élimine tous les autres choix, ce qui engage ma responsabilité. Or voulons-nous de cette responsabilité attachée à notre liberté ?

Par exemple, Adam et Eve dans le jardin d'Eden : ils entendent et comprennent la parole de Dieu qui leur défend de manger du fruit d'un arbre. Mais ils désobéissent, s'emparent du fruit et le consomment,. Lorsqu'il s'en aperçoit, Dieu demande à la femme : "Pourquoi as-tu fait cela  ?" Eve répond : "Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé". On pourrait croire d'abord que le bon Dieu va se contenter de cette réponse en forme d'excuse, puisqu'il punit le serpent. Mais la femme est punie elle aussi, et Adam finalement aussi, puisqu'il a écouté sa femme. En d'autres termes, Adam et Eve étaient libres. Aucun barbelé n'empêchait la cueillette, aucun bras n'a conduit leurs mains jusqu'au fruit. Adam et Eve étaient libres, et durent donc répondre de leurs actes : ils étaient responsables. Pourtant, Adam dit qu'il a été tenté par Eve, qui elle-même dit qu'elle a été tentée par le serpent : il n'y avait pas, selon lui, de responsable. Il n'y avait pas de liberté, comme si (comme disait Oscar Wilde), on pouvait résister à tout, sauf à la tentation...

Voilà qui contredit sérieusement notre première idée d'une liberté "légère" !

En résumé, les hommes désirent la liberté... et ils font tout pour s'en débarrasser dès que la responsabilité qu'elle implique les engagent personnellement : "je n'y suis pour rien" pourrait être leur maxime favorite !

Qu'est-ce donc que cette liberté, sitôt désirée sitôt rejetée ?


Formalisons un peu cette analyse :

thèse  A  : La liberté est affirmation positive de soi par la faculté de choisir.

...ce qui tend à confirmer cette positivité, c'est que les hommes désirent être libres (= indice de A).

thèse  B  : La liberté est un fardeau difficile à porter.

...ce qui tend à le confirmer, c'est que les hommes rejettent la responsabilité impliquée par la liberté (= indice de B).

Ces deux thèses paraissent également vraies : chacune d'elles est assortie d'un indice sérieux... Et pourtant chacune est invraisemblable, à cause de l'autre. Ainsi, si la liberté est cette belle puissance que tous les hommes rêvent de posséder, comment comprendre qu'ils la rejettent sitôt qu'ils la possèdent en effet ? Et inversement : si la liberté est un fardeau insupportable, comment comprendre qu'elle soit désirée par tous ?

Pour introduire notre sujet, nous pouvons :

1°) D'abord présenter la thèse  A  (avec son indice), puisque c'est celle qui vient en premier à l'esprit.

2°) Puis évoquer notre observation du rejet de la responsabilité (indice de B) avant de formuler la thèse  B .

3°) La confrontation des deux thèses permettra, pour finir, de formuler le problème.

En abrégé :

1°)  A  comme semble le confirmer i(A)

2°) Pourtant : i(B). Donc  B 

3°) Si  A , alors comment comprendre i(B) ?
             Mais inversement : si  B , alors comment comprendre i(A) ?
             Donc :  A  ou  B  ?

Voici donc une introduction possible, avec son "making of" dans la colonne de gauche :


Annonce progressive
de la thèse A :
La liberté peut être définie comme
pouvoir d'affirmation...



Ce qui, au contraire, entrave
notre liberté pèse sur nos choix.

Par suite, la liberté est désirable,
et nous pouvons tout craindre de son absence...

Il existe sans doute plusieurs façons de définir la liberté, notamment parce qu'elle prend sens dans des domaines différents. Pourtant, dans tous les cas, nous savons bien que la liberté se définit toujours comme un pouvoir : pouvoir d'agir sans être empêché, pouvoir d'être ce que l'on est ou de posséder ce que l'on a, pouvoir d'exprimer notre pensée sans être censuré, mais aussi pouvoir de penser sans être sous influence. Ainsi, être libre, c'est être maître de sa pensée, de ses actes, de sa destinée, et il n'est donc pas étonnant que les hommes revendiquent leur liberté, soit à titre individuel, soit collectivement, en tant qu'ils forment ensemble une communauté. Tout ce qui lèse notre liberté semble en effet peser sur nos choix, limite notre existence et ainsi lèse notre humanité. Il n'est donc pas étonnant que la liberté soit en elle-même désirable.

...ce qui semble pourtant contredit
par l'observation.

D'où la thèse B :
La liberté est paradoxalement
vécue comme un lourd fardeau...

 

 

...ce qui s'explique par le lien étroit entre liberté et responsabilité.

Pourtant, on ne peut manquer d'observer que les hommes se comportent parfois de bien singulières façons. Ainsi, cet homme qui, à la fois reconnaît son crime, et en même temps se défend d'en être responsable, comme s'il avait accompli son acte sans liberté, cet homme ne tient-il pas un discours contradictoire ? En effet, s'il reconnaît que la faute lui incombe, comment peut-il nier en être responsable ? Il était libre, dans la mesure où il avait le pouvoir de ne pas la commettre, et donc il doit répondre de ce qu'il a fait : il est responsable. A ce moment, donc, il considère sa liberté comme un fardeau qu'il ne veut pas assumer, puisqu'il se décharge de sa responsabilité. Il est vrai qu'en l'occurrence, il sent bien que reconnaître sa liberté lui serait fatal. Mais la liberté n'implique-t-elle pas la pleine et entière acceptation de notre responsabilité ?

Synthèse : formulons le problème.

La thèse B (= la liberté-fardeau) paraît contredite par l'indice de A (= le désir de liberté)...

...et inversement la thèse A (= la liberté-affirmation) par l'indice de B (= le rejet de la liberté)

Formulation finale : le sujet est énoncé comme l'un des termes possibles d'une alternative.

Si oui, n'est-il pas juste de reconnaître que la liberté est une "charge" ? Mais comment alors expliquer que les hommes soient épris de liberté ? Comment comprendre ce désir si sa réalisation entraîne en définitive le rejet de ce qu'il visait ?

Inversement, si nous pensons la liberté positivement, comme un pouvoir que nous cherchons à préserver et à étendre, comment comprendre le rejet dont elle fait si souvent l'objet ?

La liberté est-elle donc un fardeau dont les hommes cherchent plus ou moins ouvertement à se débarrasser, ou bien faut-il la concevoir comme un pouvoir sans contrepartie ?


Cette introduction pourrait être un peu plus courte, mais le problème ne se laisse pas exposer si facilement.

Remarque 1 : nous avons écrit 3 petits paragraphes pour la synthèse finale, seulement à des fins pédagogiques, pour que vous puissiez bien voir comment elle est construite. Ce découpage n'est donc pas conseillé en pratique. En revanche, l'introduction peut gagner en clarté si vous respectez, comme ici, le découpage <thèse A> <thèse B> <formulation finale du problème>. Cela n'a toutefois rien d'obligatoire.

Remarque 2 : les connecteurs logiques sont particulièrement importants dans l'introduction d'une dissertation. Notez les articulations majeures : "pourtant " - au début du §. 2, pour introduire l'indice de la thèse B, et "donc" - dans la phrase finale formulant le problème.

Remarque 3 : le rôle essentiel de l'introduction d'une dissertation est de présenter la question en montrant qu'elle recèle un problème philosophique. Il n'est donc pas absolument nécessaire d'y faire figurer le plan qui sera suivi dans le développement.


 identifier le problème | l'introduction (méthode)  





            


 - Contrat Creative Commons (certains droits réservés) -