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COURRIER


 

Suffit-il de penser par soi-même pour penser librement ?...
28/09/2006

De Laure le 28/09/2006 : "Bonjour. Je vous écris pour vous demander de l'aide, ou plutôt une correction de ce que j'ai fait. Mon sujet est : Suffit-il de penser par soi-même pour penser librement ? Je ne sais pas si cette reformulation peut convenir : "Pourquoi, pour penser librement, ne suffit-il pas de penser par soi-même ?" Mais je n'arrive pas à discerner le point important du sujet...

Avec ce que j'ai compris, j'ai commencé à faire un plan :

I. Penser librement = penser par soi-même
- définir comment on peut penser par soi-même
- définir autonomie et liberté

II. Limites de penser par soi-même
- limites : égoïsme, mauvaise pensée, préméditation, empiéter sur les autres...

III. Penser librement nécessite :
- un usage privé de la raison (contrôle)
- pensée universelle
- pensée cohérente"

=> 01/10/06 : Bonjour Laure. Le mouvement général de votre plan (= thèse / limites de la thèse / nouvelle thèse) paraît correct, mais votre II ne devrait-il pas évoquer surtout le risque de l'illusion de penser librement en pensant seul et sans précautions ? Dans votre II, en effet, vous semblez évoquer un point de vue étroitement moral (voire "moralisateur" : les "mauvaises pensées", etc.)... Je crois comprendre que cela vient de ce que vous confondez — plus ou moins — la liberté de penser et la liberté d'exprimer nos pensées (sinon, on ne comprendrait pas bien pourquoi vous évoquez le risque d' "empiéter sur les autres"...). Or la question porte plutôt sur la liberté de la pensée : le sujet laisse entendre que penser librement, c'est penser par soi-même - par opposition à une pensée sous influence, à une pensée purement idéologique qui ne serait que le reflet d'une époque, d'un milieu donné, ou plus généralement des circonstances. Cela paraît correct. Mais le sujet commence au-delà de notre accord avec cette exigence de penser par soi-même : il demande en effet si cette exigence / cette condition est suffisante... comme si elle ne suffisait pas à définir une pensée libre. Il suggère, comme vous l'écrivez, de se demander pourquoi, pour penser librement, il ne suffirait pas de penser par soi-même. Or, justement, n'est-ce pas suffisant ? La liberté, n'est-ce pas l'indépendance ?

Toutefois, qu'en est-il de cette indépendance ? Suffit-il d'adopter une pensée qui se démarque de celle des autres pour avoir la certitude que nous pensons librement ? N'y a-t-il pas là, en effet, un risque d'illusion ? Il nous est facile (et agréable) de nous croire libre, y compris en nous-même, dans notre for intérieur. Cependant, qu'en est-il vraiment ?

=> Problème : quelles sont les conditions de la libre pensée ?

Pour votre développement, vous pourriez donc :

1° - Soutenir qu'il ne saurait y avoir de pensée libre sans indépendance. En ce sens, penser librement suppose et impose en effet de penser par soi-même.

2° - Questionner cette indépendance : n'est-elle pas un rêve ? En particulier : une pensée indépendante, qui prétendrait faire l'économie du dialogue, c'est-à-dire de tout rapport aux autres ne serait-elle pas, en fait, stérile ? Ainsi, "penserions-nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d'autres ?" (Kant) - en soulignant bien, que "penser en commun" ne signifie nullement "penser comme". L'important est ici de bien comprendre que la liberté n'est pas une propriété inhérente à la pensée, qu'elle est une conquête, ce qui exclut le rêve de l'indépendance.

3° - Affirmer finalement que ce que nous pouvons espérer de ce dialogue, c'est, au-delà de l'accord avec autrui, de nous rapprocher de la vérité. Une pensée libre n'est pas en effet une pensée sans loi : "la liberté de penser signifie que la raison ne se soumette à aucune autre loi que celle qu'elle se donne à elle-même. Et son contraire est la maxime d'un usage sans loi de la raison — afin, comme le génie en fait le rêve, de voir plus loin qu'en restant dans les limites de ses lois" (Kant, même référence - c'est moi qui souligne) : penser véritablement par soi-même, c'est faire usage de sa raison, qui est en fait la raison.

Voilà. C'est bref, mais j'espère que ce n'est pas, pour autant, trop "court", et que mes suggestions contribueront à vous dépanner — j'imagine, en cette période de l'année, pour une première dissertation...

Donnez de vos nouvelles.

Avec toutes mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 106






            


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