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COURRIER


 

Peut-on venir à bout d'un préjugé par un raisonnement ?...
12/10/2005

De Maxime le 12/10/05 : "Bonjour. Je suis élève de terminale et j'ai pour sujet de dissertation : Peut-on venir à bout d'un préjugé par un raisonnement ? J'ai déjà pas mal réfléchi sur le sujet et j'ai pensé au plan suivant :

1) Pour quelles raisons il semble qu'un raisonnement peut venir à bout d'un préjugé ?

a) Le préjugé est une opinion, donc niveau de connaissance le plus bas contrairement au raisonnement qui est déduit d'une expérience...

2) Pour quelles raisons on peut penser que non :

a) Le préjugé se crée via les traditions, la famille et est donc ancré dans les mémoires.

b) Le préjugé protège, permet d'avoir un sentiment d'importance dans un groupe alors que le raisonnement ne procure pas cela.

c) Un raisonnement ne démontre que pour un cas particulier (ex. : ce sont tous des voleurs, sauf lui => c'est l'exception qui confirme la règle).

3) A quelles conditions on peut affirmer que le raisonnement peut venir à bout d'un préjugé : là je n'ai pas d'idées...

J'attends une aide pour mon plan... Merci d'avance."

=> 14/10/05 : Bonjour cher Maxime. Votre plan contient des éléments intéressants. Toutefois, plusieurs choses ne sont pas claires. Ainsi, vous écrivez que "Le préjugé est une opinion, donc niveau de connaissance le plus bas contrairement au raisonnement qui est déduit d'une expérience". Décrire le préjugé comme "une opinion" peut constituer un bon point de départ, mais ensuite...

1°) Vous semblez assimiler deux choses bien différentes : "le raisonnement" et "l'expérience" ; ce qui ne va pas : en effet, alors que l'expérience prouve en montrant (le fait, le phénomène), le raisonnement, qui est purement intellectuel, procède en démontrant (grâce à un cheminement purement logique) : montrer et démontrer, ce n'est pas la même chose...

2°) D'autre part, vous semblez admettre que le préjugé "ne raisonne pas". Or considérez le procès intenté à Galilée, qui prétend que la terre est une planète, qu'elle navigue autour du soleil et aussi qu'elle tourne sur elle-même : Galilée n'a vraiment aucune "preuve" de ce qu'il avance - seulement des "indices". Mais l'Eglise, qui conteste sa "théorie", a des raisonnements à lui opposer. Par exemple, elle fait remarquer que si la terre, telle une toupie, tournait vraiment sur elle-même (= rotation) et si, de plus, elle se déplaçait autour du soleil (= révolution), un vent dominant violent devrait être observé par la fenêtre. Or on ne fait pas l'expérience d'un tel vent dominant violent en regardant par la fenêtre, donc... Donc la terre est immobile. Dans cet exemple, le préjugé s'appuie lui aussi sur un raisonnement. En l'occurrence, il s'appuie sur un raisonnement qui invoque l'impossibilité d'observer la conséquence qui devrait résulter de l'affirmation de la thèse adverse - ce qui lui permet de se présenter comme "plus fort" que ce qui le conteste. Cela devrait vous donner à penser : le préjugé, en effet, sait "se défendre", en construisant des raisonnements et en évoquant des observations (= "expériences") qui tendent à le valider et donc à le protéger. En d'autres termes, celui qui préjuge raisonne autant et évoque autant l'expérience que celui qui est dans la vérité. Et c'est d'ailleurs ce qui fait que le préjugé est très résistant ! S'il suffisait, pour vaincre les préjugés, d'exhiber les preuves de leur fausseté (= d'invoquer des "expériences") ou de démontrer (par des "raisonnements") qu'ils sont faux, les préjugés auraient depuis longtemps tous été vaincus. Or, bien sûr, il n'en est rien.

Dire ensuite que le préjugé a des appuis dans les traditions, auxquelles "il faut adhérer", c'est bien vu. Mais - comme suggéré - cela ne suffit pas. Hélas.

Ceci devrait vous suggérer l'idée que nous pouvons d'abord croire qu'il suffit d'un raisonnement pour mettre à mal un préjugé, mais ensuite que les choses ne sont pas si simples, parce que le préjugé est "résistant". Il faut donc de la patience et d'importants moyens pour vaincre les préjugés... D'autant qu'ils peuvent facilement renaître de leurs cendres - ne serait-ce que parce que "la vérité", qui finit tout de même souvent par l'emporter, est elle-même fréquemment acceptée sans preuve ni raisonnement. Il y a donc bien une "force" propre du préjugé, qui répond à des besoins sans réel souci de la vérité, et on comprend alors que les "raisonnements", dans bien des cas, restent sans effet. Songez au métier de professeur : ne doit-il pas d'abord déloger les préjugés pour enseigner la vérité ? Mais nous savons bien - vous comme élève, moi comme professeur - que les préjugés "ont la peau dure", et que souvent les préjugés subsistent "à côté" de la connaissance rationnelle... Il faut alors se demander, comme vous le suggérez vous-même (partie 3), ce qui peut bien aider à vaincre les préjugés. Par exemple, vous pourriez peut-être montrer que le raisonnement ne suffit pas, en évoquant et en invoquant le rôle de l'éducation (distincte de la simple information, qui montre vite ses limites), ou encore du dialogue (distingué de la polémique, qui conteste sans écouter, sans prendre en compte ou en charge l'opinion de l'autre) : ne faut-il pas, en effet, quelle que soit la méthode, qu'une sorte de philia vienne épauler le raisonnement pour venir à bout du préjugé ? Qu'en pensez-vous ?

Avec toutes mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 072






            


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