=> 27/03/05 : Bonjour, et désolé pour le délai. J'espère que ma réponse n'est pas trop tardive. Vous avez raison de vous demander quel est le problème. C'est bien par là qu'il faut commencer en effet. Mais avant, vous le savez aussi, certainement, vous devez bien comprendre ce qu'est une opinion (= le concept "X" dans la nomenclature Philia). Vous avez semble-t-il déjà des pistes avec les distinctions que vous évoquez, mais il faut le faire surtout en ayant à l'esprit qu'il s'agit de découvrir un problème : pourquoi changer d'opinion est-il problématique ? Autrement dit, qu'est-ce qui, dans l'opinion, suggère qu'il est problématique d'en changer. Or ce n'est pas bien difficile à deviner : nous tenons à nos opinions, nous les aimons et les faisons nôtres, au point, comme dit Alain au sujet de l'opinion qui préjuge, que nous nous sentons attaqués personnellement par ceux qui la contestent. Qu'est-ce qui peut bien alors nous inciter à en changer ? Comment peut-on en changer ? Ne faut-il pas, pour abandonner son opinion première, faire preuve d'intelligence, d'ouverture d'esprit ? Ainsi, on dit qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis... Peut-être, mais (1) on peut penser d'autres facteurs que l'intelligence peuvent jouer : par exemple, l'âge venant, bien des hommes tournent casaque ; ou encore, un événement qui nous frappe soudain peut nous faire penser tout autrement que nous pensions ; ou encore un changement de vie, de situation, etc. Mais surtout (2) changer d'avis, est-ce à coup sûr la marque d'un esprit éclairé ? Il y a des opportunistes, et des gens influençables, qui changent d'opinion comme de chemise : sont-ils vraiment "intelligents" ?... Celui qui change d'opinion paraît donc aussi peu sage que celui qui n'en change jamais. On voit bien cette hésitation à l'oeuvre dans les dialogues de Platon : un protagoniste soutient d'abord mordicus une opinion (au sujet de la justice, par exemple : voyez les personnages du Gorgias), puis Socrate l'interroge habilement, et le conduit, sans qu'il s'en rende compte, à adopter l'opinion contraire. Il ne reste plus alors qu'à pointer la contradiction, qui n'est pas tenable, bien sûr : comment peux-tu admettre une chose et son contraire ? Ne te faut-il pas changer d'opinion, c'est-à-dire abandonner la première pour adopter la seconde ?

...Mais les choses ne sont pas si simples, car cette nouvelle opinion a-t-elle plus de valeur que la première ? Rappelons que celui qui a une opinion croit être dans le vrai, et prétend dire la vérité : suffit-il donc, pour s'installer dans le vrai, de changer d'opinion ? Cette nouvelle opinion, qu'est-ce qui nous assure qu'elle vaut mieux que la première ? Ainsi, dès qu'il a compris la nécessité de se poser sérieusement ces questions, l'interlocuteur de Socrate est sur la bonne voie, et un travail conceptuel vraiment constructif peut vraiment commencer. En effet, les opinions sont diverses et on peut toujours en changer : ce ne seront jamais que des opinions, au point qu'en un sens, elles sont interchangeables. La question n'est alors plus de savoir ce qui peut nous faire changer d'opinion, mais comment changer l'opinion... en autre chose que de l'opinion.

Pour le plan, plusieurs possibilités s'offrent à vous. Un plan dialectique est en effet possible. Mais vous pouvez aussi adopter une démarche progressive. Ou encore procéder par types d'analyses, par exemple ainsi :
I - Qu'est-ce que l'opinion ? Pourquoi est-il souvent si difficile d'en changer ? [analyse "descriptive"] ;
II - Comment et pourquoi, cependant, en venons-nous à changer d'opinion ? [analyse "génétique"] ;
III - Quelle valeur attribuer alors à ce changement (ce qui implique, bien sûr, de s'interroger sur la valeur de l'opinion elle-même) ? [analyse "axiologique"].

...Vous m'excuserez de ne pas développer davantage ces quelques pistes sommaires : comme je vous l'ai dit déjà, je suis très occupé ces temps-ci...

Amitiés. N'hésitez pas à donner des nouvelles.

[Plan adopté :]

I - L'opinion opposée à la certitude de la science porte en elle les germes du changement car définie comme instable. Cependant nous y sommes attachés car elle est première (Descartes).

II - Quelles sont donc les conditions de la rupture ? Pourquoi l'échec de la rupture avec la sphère de l'opinion est-il si fréquent ?

Rencontre altérité et rencontre vérité
- Echec avec la rencontre de l'altérité (résistance cognitive de Fesinger)
- Echec de la rencontre avec la vérité

III - La rupture réussie avec le cercle de l'opinion

- Passage à la réflexion (argumentation contraire à l'opinion)
- Confrontation avec autrui incontestable qui ne peut que nous faire nous poser des questions. Discours de Socrate : une sortie de l'opinion

Bravo pour votre site."

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