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COURRIER


 

Peut-on penser librement ? [1] ...
03/10/2004

=> 21/10/2007 : un autre courrier sur ce même sujet : Peut-on penser librement ? [2].

Le 28/09, cette supplique de Chico : "Bonjour, j'ai une dissertation de philosophie mais je n'ai rien compris à ce que m'a dit mon prof : le sujet est " Peut-on penser librement ? ". J'ai fait l'analyse des termes avec :

- Peut-on : a-t-on la possibilité de, ou le droit de, ou la capacité de.
-
penser : réfléchir, se remettre en cause.
-
librement : sans contrainte.

...Mais là où se pose le problème c'est au moment où je dois trouver une problématique !!!!!! Je ne sais pas à quoi ça ressemble et comment on la trouve ainsi que comment est organisée la réponse pour / contre, ou toujours pour ou toujours contre. Des pistes, s'il vous plaît. Merci d'avance..."

=> 03/10/2004 :

Bonjour Chico. Vous devriez prendre connaissance des pages Philia consacrées aux Démarches, car elles pourraient certainement répondre, en grande partie, à vos interrogations concernant les méthodes à utiliser pour analyser un sujet, formuler un problème, et bâtir une dissertation. Au besoin, imprimez-les et étudiez-les à tête reposée.

Quelques remarques concernant votre analyse des termes de l'énoncé : les deux notions clés (X et Y dans la codification proposée par Philia) sont formidablement polysémiques, ce que vous ne faites pas du tout apparaître. Ainsi, penser ne signifie pas seulement réfléchir, et la liberté n'est pas simplement l'absence de contrainte. C'est important, parce qu'en procédant comme vous faites, vous appauvrissez le sujet. La preuve, d'ailleurs, c'est que vous ne voyez pas le problème. Et il est vrai que si la question est de savoir si je peux réfléchir sans contrainte, la réponse est bien probablement oui : en effet, je ne vois pas ce qui pourrait m'empêcher de réfléchir si je le veux ! Toute la difficulté de ce genre de sujet est là : ces mots de pensée et de liberté ont une foule de sens différents, et il faut, bien sûr, procéder à une sélection sévère.

Vous auriez pu exploiter le "on" (peut-on), soit, ici, le sujet humain, c'est-à-dire "moi". Or si c'est bien moi qui pense, comment ne pas admettre que je suis le maître de mes pensées, comment, en d'autres termes, ne pas admettre que je pense librement ? On peut d'ailleurs dire que la pensée n'est pas "une chose", qu'elle n'a pas le statut de chose, et qu'elle n'est donc pas soumise aux lois qui régissent les choses : s'il y a, dans le monde, un être libre, peut-on l'imaginer sans pensée ? Le sujet, en d'autres termes, est donc le "lieu" de la liberté. Mais, d'un autre côté, nul être n'est plus déterminé que le sujet humain : l'homme est en effet un être surdéterminé (psychologiquement, socialement, culturellement, historiquement, politiquement, ...). Et il n'y a pas de raison pour que cette surdétermination ne s'applique pas à sa pensée. Donc la pensée humaine n'est pas libre, et nul ne pense à sa guise, hors de tout conditionnement psychologique / social / culturel / historique / politique... D'où la question (=le sujet que vous avez à traiter), qui exprime donc un problème philosophique crucial, celui du statut de l'homme dans le monde : en un sens, seul l'homme peut être libre, justement parce qu'il pense ; mais d'un autre point de vue, aucun être n'est aussi peu libre que l'homme, précisément parce qu'il est, de tous les êtres, celui qui subit le plus grand nombre de déterminations. Selon le premier point de vue, les pensées sont de moi, alors que selon le second point de vue, elle sont seulement en moi, sans que rien ne garantisse qu'elles soient réellement produites par moi. Par exemple, j'ai des préjugés (ceux de mon époque, ceux de ma culture, ceux de ma classe sociale, etc.), et même "j'ai" un inconscient, qui me joue des tours, au point même d'être mon maître. Selon ce point de vue déterministe, je suis un résultat, et mes pensées ne sont donc que l'écho de ce qui me détermine de l'extérieur : les philosophes parlent alors d'hétéronomie. Selon le premier point de vue, au contraire, je suis une source, et ces pensées, qui sont en moi, sont bien aussi produites par moi : les philosophes parlent alors d'autonomie.

Vous voilà donc en présence de deux thèses, à l'évidence contraires, et cependant toutes deux vraisemblables. Vous êtes donc face à un embarras : le problème philosophique. Evidemment, ce n'est pas à moi de vous souffler la solution... sinon, vous ne seriez pas mis en situation de penser librement ! Or c'est, cela, n'est-ce pas, philosopher...

Pour vous guider, vous pourriez certainement trouver des pistes en utilisant correctement les moteurs de recherche fournis avec Philia (par exemple en formulant la requête <pensée liberté>, ou <conscience liberté>)...

Je vous souhaite bon courage, en espérant vous avoir un petit peu aidé, tout de même. N'hésitez pas à me recontacter, avec une idée de conclusion et un plan.

Avec mes...


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 038






            


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