=> 09/02/04 : Je vous réponds avec un peu de retard, mais je vous réponds tout de même, bien que brièvement, vous me le pardonnerez (j'espère !). Quelques indications rapides donc :

1. Il s'agit d'un sujet "ouvert", c'est-à-dire d'une question à laquelle on ne peut répondre directement par oui ou par non. Il est conseillé de "fermer" la question pour y voir plus clair (voir ici). Par exemple, vous pourriez vous demander si l'égalité suffit à définir la justice : la justice semble toujours impliquer l'égalité ou le rétablissement de l'égalité, mais l'analyse ne peut-elle pas montrer que l'égalité qui est au principe de la justice est elle-même fondée en principe au-delà de l'égalité ? Qu'est-ce donc que la justice ?
   
   
2. Ainsi, selon Aristote (Ethique à Nicomaque, Livre V:6-8), il faut avant tout distinguer plusieurs "formes" de justice, mais ce sera pour vous surtout l'occasion d'établir que l'égalité qui est au principe de la justice n'est pas la simple identité. L'identité ne comporte que deux termes, A et B. L'égalité qui définit la justice met en jeu, quant à elle, quatre termes : A et B, et x et y. Par exemple, dans l'échange commercial, celui qui vend (=A) et celui qui achète (=B), mais aussi la chose achetée (=x) et le prix payé (=y). Dans cet exemple, l'échange sera juste si le prix y payé par B vaut exactement la valeur de x vendu par A. Ni plus, ni moins - ce qui fait dire à Aristote que la justice est un "milieu".
   1. Ainsi donc, s'agit-il d'établir la justice dans l'échange, par exemple dans le commerce ? En ce cas, la justice consistera à veiller à l'égalité de proportion entre ce qui est donné et ce qui est reçu (payer quelque chose son juste prix - d'où l'utilité de la monnaie comme mesure commune permettant l'estimation de l'égalité). Impliquant toujours la réciprocité, cette forme de la justice est appelée commutative.
   2. S'agit-il plutôt d'établir la justice concernant la répartition des charges et des dignités ? En ce cas, la justice sera réalisée si le partage est correctement proportionné : la bonne note à la bonne copie, la mauvaise note à la mauvaise copie... Attribuer la même note à tout le monde (même 15 !) n'est pas juste. Cette forme de justice peut donc d'abord paraître "inégalitaire". Mais ce serait oublier que, pour être juste, le professeur attribuera la même note à deux copies de même niveau : les élèves sont traités justement s'ils sont tous traités de la même façon, c'est-à-dire également. C'est la justice distributive. Contrairement à la précédente, elle n'implique pas la réciprocité : l'élève n'a pas à noter son maître.
   3. Enfin, la justice corrective ou réparative, doit elle aussi tenir les personnes concernées comme égales devant la loi. Pour être juste, la réparation devra consister à restaurer l'égalité lorsqu'un dommage l'a rompu, proportionnellement, bien sûr, à l'importance des dommages subis et au caractère intentionnel ou non du délit. Pour cette raison, elle doit être rattachée à la justice commutative.
      
      
3. Penser aussi, d'une façon plus moderne (?), à l'égalité des chances.
   
   
4. L'égalité des personnes et le respect des libertés : problématique moderne, à vrai dire initiée déjà par le christianisme. Voir par exemple Kant : la justice suppose d'abord de considérer la valeur absolue de tout homme.Tel est le sens du respect, qui est donc le vrai principe de la justice : "traiter l'humanité de toute personne toujours comme une fin, jamais seulement comme un moyen." Paradoxalement même, écrit Alain, le coupable mérite la peine : "la peine est due au coupable ; et si on ne daigne pas le punir, c'est alors qu'on ne l'honore point comme on doit ; c'est alors qu'on ne le traite pas en homme ; aussi dit-on bien qu'il mérite la peine." (voir le texte ici). L'exigence de justice est donc de l'ordre du devoir : la justice consiste bien à donner ou à rendre à chacun ce qui est dû, et ce qui est dû, absolument, c'est l'humanité. Egalité de droit, égalité de devoir : il ne semble pas y avoir d'autre principes de la justice.
   
   
5. Il est vrai qu'Aristote avait déjà dit que "quand les hommes sont amis il n'y a plus besoin de justice" (ici), mais plus fortement, Leibniz dira que la vraie justice est "l'habitude d'aimer les autres". Ainsi faudrait-il distinguer des "degrés" dans la justice :
   1. L'égalité, ou droit strict. C'est la règle de la paix, incarnée par les lois. => justice commutative.
   2. L'équité, ou égalité authentique. Il s'agit du principe de la justice sociale : attribuer à chacun ce qui lui est dû. => justice distributive.
   3. La piété, ou honnêteté, qui lie vertu privée et bien public.
   4. Enfin la justice idéale, ou raison : il s'agit du droit rationnel, ou naturel, qui est universel, et est aussi fondé en Dieu. Elle est "la charité du sage", et elle est bien au-dessus des lois, même des lois justes, puisqu'elle en est la vraie justification.
      
      
6. En résumé, ces quelques indications suggèrent que vous pourriez "progresser", dans votre développement, de l'égalité rationnelle, calculée, à l'oeuvre notamment dans la justice institutionnelle (la justice au sens d'institution judiciaire : tribunaux, magistrats, mais aussi gouvernement...) au principe qui la justifie, et qui relève non d'un calcul, mais de l'idée et de la vertu de justice exprimant une exigence de la raison. En somme : des lois à l'esprit des lois, de la justice "extérieure" à la justice "intérieure". L'exigence de justice n'est pas une exigence parmi d'autres, puisque seule elle est légitime. Qu'en pensez-vous ?

En espérant vous avoir été de quelque utilité, recevez toutes mes...