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Courrier PHILIA

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COURRIER


 

Pourquoi travaille-t-on ?
30/11/2003

30/11/2003 : Jennifer a vraiment insisté auprès de Philia pour obtenir un peu d'aide concernant le sujet : "Pourquoi travaille-t-on ?"... C'est si gentiment demandé que... bon, allez, pour cette fois...

=> 02/12/2003 : Très chère Jennifer, ce sujet semble vous faire cruellement souffrir... Après tout, n'est-ce pas cela, le travail : une souffrance, une vraie torture ? Voyez l'étymologie latine de ce mot. Donc on vous demande pourquoi souffrir, et, pour cela, on vous demande, à votre tour, de souffrir : quelle cruauté !
Quelques éléments, très rapidement, car derrière Philia se cache un pauvre travailleur, professeur de son état, qui va se lever dans moins de sept heures pour affronter la redoutable épreuve de la biscotte beurrée matinale avant de devoir, en catastrophe, gratter le pare-brise de sa voiture (d'occasion), s'enfoncer dans la brume à toute allure, tout en tâchant d'éviter les radars, et peut-être même slalommer dans les embouteillages, et le tout pour finalement se retrouver face à un public scolaire qui ignore tout de ces prouesses, mais qui est assoiffé de tout connaître de Hegel et de la dialectique maîtrise-servitude, et tout cela en échange d'un salaire, euh... inavouable.
En fait, j'ai un peu répondu à votre question, chère Jennifer : oui, vraiment, quand on pense à toute cette peine qu'on se donne, on a bien raison de se demander pourquoi il faut travailler !

Philia évoque, très vaguement, il est vrai, cette (belle ?) question à propos de "l'analyse des sujets ouverts", sujets qu'il faut transformer - sans les déformer, bien sûr : dans votre question, il y a probablement une première "réponse simple", qui devrait pouvoir déjà constituer une première piste : on travaille parce qu' "il faut" travailler, et "il faut" travailler parce que sans travail, on est sans le sou, ce qui est probablement plus pénible encore que de devoir travailler. Le travail est donc une source de revenu : on travaille pour gagner sa vie. Un rapide sondage, par exemple dans une classe de philo, suffit à le prouver : tout le monde lève la main quand il s'agit de répondre oui à la question "qui veut un travail ?" (c'est-à-dire un emploi, rémunérateur, évidemment), mais l'enthousiasme retombe nettement quand on demande : "qui veut travailler ?". Preuve que le travail n'est pas voulu ou couru pour lui-même, mais pour ce qu'il rapporte, donc à titre de moyen. Quelle tristesse ! Pourtant, le travail n'est-il décidément qu'une source de revenu ?

La question ouverte, " pourquoi travaille-t-on ?" peut donc être entendue comme une interrogation en quelque sorte abrégée de cette question, fermée celle-là, et donc nettement plus précise : "Ne travaille-t-on qu'en vue du seul gain ?", "Ne travaille-t-on que contraint et forcé, pour gagner sa vie, misérablement dans un petit lycée de province éloigné de toute bonne librairie ?"
Or, manifestement, si tout le monde s'arrêtait de travailler, on serait tout nu (ça a son charme, notez bien, et même une certaine utilité, pendant la canicule par exemple), mais surtout nous n'aurions pas d'électricité, ce qui serait gravissime, en particulier parce que nous ne pourrions plus capter toutes ces excellentes émissions de télévision diffusées en 'prime time', les établissements scolaires seraient fermés (euh...), et finalement il deviendrait très difficile de se procurer des biscottes pour le petit déjeuner ainsi que des phares anti-brouillard pour entrevoir les bas côtés certains matins brumeux. En effet, le travail est une activité productive : le travail, comme l'explique mon ami Karl (Marx) est l'activité par laquelle la malheureuse créature humaine produit par elle-même ses moyens d'existence. Aucun animal ne fait une chose pareille. Il est vrai qu'aucun animal ne regarde aussi attentivement la télévision que les êtres humains, aucun ne se lève à 7 heures du matin par temps de brume au coeur de l'automne, et il serait étonnant qu'il y en eut pour racler frénétiquement un pare-brise givré dans l'obscurité.

Bien sûr, vous devez aussi tenir compte, chère Jennifer, du fait que le professeur travailleur se réalise à travers cette activité, parce qu'il se reconnaît dans son oeuvre : en travaillant, l'homme transforme le monde, mais il se transforme et s'éduque aussi lui-même : le travail contribue à faire un homme. On croit rêver.
Quoi qu'il en soit, vous devez considérer ce sujet comme une invitation à penser le but du travail : ce but n'est-il qu'extérieur au professeur travailleur (=gagner sa vie, ou produire pour satisfaire des besoins sociaux ?), OU BIEN ne peut-il pas / ne doit-il pas (ne devrait-il pas) aussi être satisfaisant en lui-même, en tant que moyen donné à la pensée de s'actualiser, littéralement d'ailleurs, c'est-à-dire de se réaliser en acte, par la médiation d'une transformation des élèves choses ?

Comme vous êtes intelligente (si si), vous n'aurez aucune peine à hiérarchiser tout le bazar ces trois (cela fait bien 3, recomptez) conceptions du travail...

Grâce au copier-coller (et aux travailleurs qui s'échinent à produire l'électricité sans laquelle toute cette merveilleuse aventure serait impossible), je reprends ma formule finale adressée au précédent casse-pied visiteur, en vous priant de bien vouloir excuser les quelques ratures qui parsèment mon message nocturne :

En espérant que ces modestes indications pourront vous aider, au moins un peu, je vous souhaite bon courage. Ne me remerciez pas. Personnellement, j'ai assez travaillé pour aujourd'hui. Au dodo.


-: Amitiés :- P h i l i a.

Référence du message : ID 007






            


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